FRANZ MARC / AUGUST MACKE. L'AVENTURE DU CAVALIER BLEU (exposition)
Figures majeures de l'expressionnisme allemand, protagonistes du mouvement du Blaue Reiter (« Le Cavalier bleu »), unis par un même attrait pour l'art français, Franz Marc et August Macke nouèrent une amitié qui fut brutalement interrompue par la guerre. L’exposition Franz Marc / August Macke. L’aventure du Cavalier bleu (musée de l’Orangerie, du 6 mars au 17 juin 2019) retrace les étapes de ce dialogue exigeant.
Une quête spirituelle
Quand August Macke découvre Franz Marc à la galerie Brakl de Munich, le 6 janvier 1910, un chapitre décisif pour l’histoire de l’art moderne est en train de s’ouvrir. Malgré une différence d’âge de sept ans – Macke est le plus jeune – et de tempérament – Marc se réfère à la Bible, à Nietzsche, à Schopenhauer, tandis que son ami, plus kantien, plus citadin, prendra ses distances avec le Blaue Reiter dès 1912 –, ces deux artistes partagent la même aspiration à un art libéré de son naturalisme – « l’impur, l’inessentiel, l’apparence » selon leur terminologie. Une telle rencontre, fondée sur le même intérêt pour Cézanne et les impressionnistes – Macke était à Paris en 1907 et 1908, Marc en 1903 et 1907 – cristallise une histoire en cours depuis l’émergence du groupe expressionniste Die Brücke (« Le Pont ») à Dresde en juin 1905 et celle des fauves au Salon d’automne la même année, soumise maintenant au choc du futurisme. Elle n’aurait été qu’un exemple de fraternité artistique parmi d’autres si elle n’avait été le vecteur d’un phénomène de plus grande ampleur, impliquant Kandinsky pour le projet de l’Almanach,qui émerge en 1911, et Paul Klee au moment de son voyage en Tunisie avec Moilliet et Macke en avril 1914. Une nouvelle dimension est apparue dans une chronologie qui se succède de mois en mois, parfois de jour en jour, à un rythme qui donne la mesure d’une quête spirituelle menée à plusieurs dans les pires moments du nationalisme. Les œuvres permettent de le ressentir d’autant plus qu’elles provoquent et ébranlent le travail théorique. Un aspect renforcé dans le cas de Franz Marc, qui écrit les Cent Aphorismes sur le front des Vosges avant de mourir près de Verdun le 4 mars 1913. August Macke, lui, trouvera la mort en Champagne le 26 septembre 1914.
En lien avec la Neue Galerie de New York, le musée de l’Orangerie, qui abrite les Nymphéas de Monet, avait de bonnes raisons d’exposer des œuvres peu vues en France malgré leur immense réputation. Suivre le développement d’une pensée sans concession, en fonction de destins individuels aussi remarquables, permet d’appréhender une critique aiguisée en permanence par les échanges épistolaires, les réactions devant les tableaux, la confrontation des idées. Comme son ami, Franz Marc a su trouver ses interlocuteurs et déclencher une dynamique qui ne s’est pas éteinte après sa mort.
L’Allemagne ne manquait pas d’historiens d’art, de critiques, de collectionneurs, ainsi Julius Meier-Graefe, Wilhelm Worringer, Herwarth Walden – qui fait paraître la revue Der Sturm en mars 1910 – ou encore Hugo von Tschudi, conservateur à la Galerie nationale de Berlin. Et l’intérêt pour l’art français (Gauguin, Cézanne, Van Gogh, Henri Rousseau, Picasso, Matisse, Rouault, Braque, Delaunay) était à ce point dominant qu’il provoqua une protestation de Carl Vinnen en février 1911, à laquelle Marc, soutenu par Kandinsky et Macke, répliqua en juillet sous un titre vengeur : Im Kampf um die Kunst (« Dans la lutte pour l’art »). Une époque découvre des perspectives nouvelles au prix de dissensions où se marquent autant de positions différentes par rapport à l’héritage du romantisme allemand. Celle de Max Beckmann est restée célèbre quand Otto Dix suit sa voie, Kirchner et Nolde la leur. L’aventure du Cavalier bleu, d’abord Almanach puis groupe d’artistes[...]
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Écrit par
- Éric DARRAGON : professeur émérite d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média