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SCHUBERT FRANZ (1797-1828)

Un atavisme sans héritage

Grandi dans la vénération de Beethoven (Beethoven, de vingt-sept ans l'aîné de Schubert, meurt un an avant lui), dans la même ville où ils ne se sont pratiquement jamais rencontrés, son développement musical ne se fait pas moins de manière tout à fait indépendante et originale par rapport au style musical de ce prestigieux aîné. Dans le domaine symphonique, la recherche du langage chez le Schubert des premières années, spontanément établi dans la filiation de Haydn, s'oriente vers un apprentissage du style mozartien. Ce qu'il appelle alors « la lumière mozartienne » fascine d'autant plus le cœur et l'esprit du jeune Schubert qu'il est naturellement porté à scruter les ténèbres de la nuit et de la mort. Une évidente « tentation mozartienne » pèse sur nombre d'œuvres de sa jeunesse (Cinquième Symphonie entre autres).

Devenu indépendant, éloigné de sa famille et de l'univers des collèges (école normale d'instituteurs après le collège municipal), Schubert abandonne parfois pour longtemps les « ordres obligés » de sa jeunesse (symphonie et quatuor) ; il lui faut de longues années pour y revenir et dans une perspective très différente, après avoir prospecté des domaines nouveaux dans la ligne d'une exploration plus intérieure : la première vraie sonate pour piano seul se situe après la fin de l'année d'études à l'école normale d'instituteurs.

Les tentatives de l'âge adulte pour revenir aux grands genres de la jeunesse seront d'abord marquées par des échecs (Quatuor en ut mineur de 1820 dont un seul mouvement est écrit, Symphonie en mi majeur de 1821 laissée à l'état d'esquisse, Symphonie en si mineur « inachevée » en 1822). Si, dans ses années de jeunesse, Schubert tirait fréquemment l'impulsion initiale de thèmes d'autrui (Haydn le plus souvent ou Mozart), dans la période cruciale qui marque le passage de l'homme et du créateur à l'âge adulte, il la trouve souvent dans ses propres œuvres antérieures, chaque fois vocales, ce qui lui permet de créer une œuvre nouvelle. Ainsi le liedLa Jeune Fille et la mort (Der Tod und das Mädchen, 1817) qui nourrit tout le Quatuor en ré mineur (1824-1826), la Fantaisie pour piano en ut majeur dite du Voyageur (1822) qui tire son nom du réemploi en son sein du lied du même nom (Der Wanderer, 1816), etc. Ce n'est qu'à la faveur de cette double assumation de lui-même que Schubert s'accomplit réellement, avec son langage désormais adulte, dans les genres familiers de son enfance : musique de chambre et symphonie. Entre 1827 et 1828 naissent coup sur coup des œuvres magistrales, toutes profondément novatrices : Quintette pour deux violoncelles en ut majeur, Trios pour piano et cordes en si bémol majeur et en mi bémol majeur, Symphonie en ut majeur, sans oublier les œuvres pour piano : Fantaisie pour quatre mains en fa mineur, Impromptus, Sonates en ut mineur, la majeur et si bémol majeur. Schubert est parvenu à la maîtrise absolue dans toutes les formes de son langage instrumental, lorsque le typhus le fauche à trente et un ans. À titre de comparaison : à l'âge où Schubert écrit son quinzième quatuor, sa neuvième symphonie, sa presque millième œuvre, Beethoven composait ses premiers quatuors ou sa première symphonie.

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