WINTERHALTER FRANZ XAVER (1805 ou 1806-1873)
Artiste allemand, Winterhalter est resté le peintre d'un tableau : la grande composition de L'Impératrice Eugénie et ses dames d'honneur, Salon de 1855 (palais de Compiègne). Mieux, il a été l'un des créateurs, ou l'interprète, de ce mythe qu'est devenu le « temps des crinolines ». De tels titres ne lui ont toutefois pas valu l'estime des historiens d'art et sa place réelle dans l'art des années 1840-1860 est considérée comme relativement mineure. Un portraitiste comme Louis Édouard Dubufe serait, par comparaison, plus estimé. Il y a là un problème qui met en cause les rapports du succès et de la qualité. Le pouvoir de l'image répond-il toujours à une invention et à une valeur plastiques propres ?
L'homme est resté mystérieux, ce qui est un nouveau paradoxe. On ne sait pratiquement rien de cet Allemand que toutes les cours d'Europe sollicitèrent. C'est à peine si on le distingue de son frère Hermann qui le suivit comme son ombre et collabora directement à sa production. Après des études à Munich, un voyage à Rome en 1830, il revient dans le duché de Bade en 1833 et s'y impose comme le portraitiste de la famille ducale. Il a trouvé sa spécialité. En 1835, il s'installe à Paris, où il restera jusqu'en 1870, excepté quelques séjours en Angleterre (1848-1852), en Prusse, en Espagne. Il est le peintre des rois et des cours, des Orléans comme des Bonaparte.
L'éclatant succès mondain de Winterhalter s'explique sans doute parce qu'il offrait à la high society le visage qu'elle attendait. Il plaît par une fidélité courtoise et jamais méchante, où le souci d'analyse psychologique s'efface aimablement devant l'apparence sociale. Un faire lisse et neutre est au service de la texture des étoffes et des arrangements de la mode, qui tiennent la place principale dans ces portraits féminins où perce un évident bonheur d'être et surtout de paraître.
En posant ses modèles sur des fonds de paysages à la Van Dyck (Louise d'Orléans, reine des Belges, musée de Versailles), en continentalisant les grands exemples anglais, de Reynolds à Lawrence (Princesse Sophie Troubetzkoï, château de Grosbois), en atténuant les recherches graphiques des ingresques (comme dans le portrait à ovales emboîtés de la jeune Reine Victoria, Versailles), en donnant au second Empire les grâces du xviiie siècle (Duchesse de Montfort-Duplessis, pastel, Louvre), Winterhalter fait mieux que pasticher, il rend vraisemblable l'autoportrait dont une société, certes restreinte, a choisi elle-même la pose. Si l'on veut bien reconnaître ce talent à Winterhalter, on admettra la légitimité de son succès, on comprendra l'intérêt que continue à susciter une œuvre qui témoigne aussi admirablement des reflets que devaient renvoyer les miroirs des Tuileries au temps d'Offenbach.
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Écrit par
- Bruno FOUCART : professeur à l'université de Paris-Sorbonne
Classification
Médias