FRAUDE SCIENTIFIQUE
Quantifier la fraude
Cette succession de scandales traduit-elle un développement de la fraude dans les laboratoires ? Ou une rigueur accrue de la communauté scientifique internationale, qui conduirait aujourd'hui à détecter et rendre publiques des malversations qui seraient restées méconnues il y a quelques décennies ? Il est impossible de répondre à ces questions en toute rigueur, même si la plupart des observateurs penchent pour la première hypothèse. On peut en tout cas donner un aperçu du grand nombre de fraudes en sciences de la vie, discipline aujourd'hui la plus touchée : dans la littérature scientifique biomédicale indexée dans Medline, principale base de données bibliographiques dans le domaine, le taux de rétractation d'articles pour fraude a été multiplié par dix depuis 1975, atteignant aujourd'hui 0,02 %.
Plusieurs études de sociologie des sciences ont cherché à quantifier les manquements quotidiens à l'intégrité scientifique, susceptibles de mener un jour ou l'autre à une authentique fraude, en envoyant à des milliers de chercheurs des questionnaires à remplir de manière anonyme. La synthèse de ces études montre que 2 % des scientifiques, toutes disciplines confondues, admettent avoir une fois dans leur carrière fabriqué ou falsifié des résultats... soit cent fois plus que le taux de rétractation d'articles pour fraude. Il y a, de surcroît, de fortes raisons de penser que ce taux est sous-estimé. De fait, 14 % des scientifiques déclarent avoir connaissance de l’existence de collègues fraudeurs... soit sept fois plus que le nombre de ceux qui reconnaissent avoir un jour fraudé. Et 34 % des scientifiques reconnaissent avoir au moins une fois dans leur carrière manqué à la rigueur en utilisant des méthodes d'analyse peu pertinentes mais permettant d'obtenir un résultat désiré, en changeant en cours d'étude une méthodologie ou en excluant de la publication les expériences qui ne confirmaient pas la thèse défendue.
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Écrit par
- Nicolas CHEVASSUS-au-LOUIS : docteur en biologie, journaliste
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Médias
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