FRAUDES ALIMENTAIRES
La fraude alimentaire, compagnon de route des économies marchandes
Une ampleur nouvelle, une origine ancienne
Depuis la fin des années 2000, la fraude alimentaire fait l’objet d’un regain de craintes et d’attentions. Les médias ont souligné les scandales à répétition en Chine : de la mélamine (composant chimique toxique) mélangé au lait en poudre pour bébé (2008), à la fausse viande de mouton – en fait, de la viande de rat et de renard (2013) –, en passant par l’huile de cuisine frelatée (2010). Les risques pour la santé de ces actes frauduleux ont été d’une extrême gravité, faisant de nombreuses victimes. En Europe, en France plus particulièrement, l'affaire « des lasagnes à la viande de cheval » (utilisée à la place de la viande de bœuf car moins coûteuse), qui a éclaté en 2013, n’a pas eu de conséquences sur la santé des consommateurs, mais elle illustre les tromperies possibles concernant la composition des produits. Par ailleurs, certains produits sous marque de distributeurs ont été stigmatisés par des Organisations non gouvernementales, qui dénonçaient les ruses employées par des industriels pour induire les consommateurs en erreur grâce à un étiquetage ou des allégations ne correspondant pas à la composition réelle des produits.
La liste des fraudes alimentaires possibles s’allonge, ne serait-ce que parce que les aliments et les technologies de production et de transformation sont de plus en plus nombreux. Pour autant, il n’est pas certain que cela se traduise par une augmentation des risques car, parallèlement, les moyens de lutte contre la fraude sont de plus en plus sophistiqués. En 2007, la Food Standards Agency du Royaume-Uni, qui venait de s’équiper d’une base de données portant sur la fraude alimentaire, a reçu 49 rapports de fraude alimentaire ; ce nombre a atteint 1 538 en 2013. Cependant, la quantification des fraudes et son évolution statistique ne sont pas faciles à évaluer : les fraudes ne sont pas toujours définies de manière homogène, elles sont souvent difficiles à repérer car elles sont parfois d’un type nouveau (ou jusqu’alors inconnues) et leur ampleur n’est pas toujours mesurable. Il reste que les opportunités de fraude se multiplient sans cesse du fait de deux grandes tendances : l’internationalisation des marchés agricoles et alimentaires, et l’industrialisation de l’alimentation.
Internationalisation des échanges : de nouvelles portes d’entrée pour la fraude
La fraude alimentaire est un phénomène ancien. Le vinage de l’alcool comme le sucrage du vin sont attestés depuis l’Antiquité ; de même, on utilisait alors divers procédés pour colorer le vin. La dilution du lait (mouillage), l’utilisation de solvant pour les huiles de pression, l’ajout de graisses végétales dans le chocolat ou encore d’amidon dans les confitures, la falsification des épices (safran) par ajout d’impuretés ou encore des pâtes par utilisation de blé tendre à la place du blé dur sont aussi des fraudes anciennes.
C’est au xviiie siècle que le phénomène a pris une ampleur le développement des échanges et la croissance urbaine, qui a entraîné la multiplication des intermédiaires. Les historiens ont montré que le développement du commerce au xixe siècle s’est accompagné d’un essor considérable de la tromperie et de la falsification des boissons et des denrées alimentaires, à tel point que le xixe siècle a été désigné comme l’« âge d’or de la falsification ». En Angleterre, par exemple, il y a eu au xixe siècle un paroxysme du frelatage. La fraude se développe au rythme de l’urbanisation, avec laquelle l’acheminement des produits du fabricant au consommateur devient plus long et les marchés plus anonymes. Dans tous les cas, l’éloignement des producteurs et des consommateurs a ouvert la voie à un ensemble de tricheries et de duperies sur la qualité des denrées, l’échange[...]
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Écrit par
- Egizio VALCESCHINI : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique
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Médias
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TRAÇABILITÉ AGROALIMENTAIRE
- Écrit par Egizio VALCESCHINI
- 5 800 mots
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...fournie à un client par un certificat de conformité. L’État est bien le garant de la loyauté de l’information et doit assurer une protection contre les fraudes et les tromperies – pourtant, ici, en général, la traçabilité n’est pas rendue obligatoire par l’État, mais seulement recommandée. Elle relève...