FRAUDES ALIMENTAIRES
Lutter contre la fraude ?
Le contrôle et la répression des fraudes : une course-poursuite sans fin
Dans les pays industrialisés, la protection du consommateur en matière de sécurité et d'hygiène des aliments est considérée comme relevant légitimement de l'activité réglementaire et répressive des pouvoirs publics. L'intervention de l'État dans ce domaine s'affirme véritablement au début du xxe siècle, après une longue période où ce sont plutôt les municipalités, les grandes villes en particulier, qui tentent de maîtriser les problèmes d’hygiène publique. Aux États-Unis est promulguée en 1906 la première loi générale réglementant les aliments et les produits pharmaceutiques, à l’origine de la création de la Food and Drug Administration. En France, c’est la célèbre loi fondamentale du 1er août 1905 de protection générale contre les falsifications et les fraudes qui définit les fondements de l’intervention publique. Elle organise non seulement la répression, mais encore la prévention en même temps que le dépistage des diverses fraudes alimentaires. Bien plus tard, en 1993, cette loi est harmonisée avec les dispositions européennes lors de la mise en place du marché unique européen. Elle est ensuite adaptée dans les années 2000, à la suite d’une profonde réforme du cadre réglementaire communautaire.
Pour lutter contre les fraudes, les pouvoirs publics doivent s’appuyer sur une connaissance scientifique précise des caractéristiques des produits, de leurs composants, des procédés de fabrication, etc. Le recours à la science est indispensable pour renforcer l’efficacité des systèmes d’inspection. Le scientifique doit développer des méthodes d’analyses fiables tant « qualitatives » – qui concernent la présence ou l’absence d’un composé – que « quantitatives » – qui concernent la composition de l’aliment. Grâce à la codification de cette connaissance, la réglementation peut élaborer des prescriptions précises (des seuils minima par exemple) et des protocoles de contrôle. Mais les continuelles innovations de produits et les nouvelles technologies de fabrication augmentent considérablement la complexité, la difficulté et, finalement, le coût des contrôles. Les pouvoirs publics ne peuvent assurer une lutte efficace contre les fraudes qu’en disposant de moyens d’expertise scientifique et de contrôle importants et coûteux.
Dans les pays industrialisés qui disposent d’une administration efficace (compétente, non corrompue…) de surveillance et de contrôle, les fraudes grossières, facilement détectables ou très contrôlées (mouillage du lait…) ont quasiment disparu. Elles ont cédé la place à des fraudes plus ou moins élaborées, plus subtiles et, par voie de conséquence, plus difficiles à découvrir. Le glazurage (aspersion d'eau sur les produits surgelés afin de former une pellicule de glace protectrice) permet un gain de poids de 1 à 10 p. 100. Frelater le vin en lui ajoutant du diéthylène-glycol masque le défaut de glycérol (produit sirupeux, à goût sucré, qui confère naturellement au vin son moelleux lors de la vinification). La vinification utilisant des copeaux de chêne revient dix à vingt fois moins cher que le vieillissement en barrique, lequel est obligatoire pour un vin d’appellation d’origine contrôlée…
La réglementation utilise les acquis scientifiques pour mettre en place régulièrement de nouveaux types de contrôles (par exemple, pour distinguer du saumon sauvage et du saumon d’élevage, pour détecter les molécules d’un arôme synthétique). Les fraudeurs inventent eux aussi sans cesse, pour détourner, contourner, tromper ou s’affranchir de la réglementation nouvelle. On assiste ainsi à une course-poursuite infernale entre la fraude et sa répression. Plus le risque de se faire prendre est réduit et le gain économique possible élevé, plus le risque[...]
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Écrit par
- Egizio VALCESCHINI : directeur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique
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TRAÇABILITÉ AGROALIMENTAIRE
- Écrit par Egizio VALCESCHINI
- 5 800 mots
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...fournie à un client par un certificat de conformité. L’État est bien le garant de la loyauté de l’information et doit assurer une protection contre les fraudes et les tromperies – pourtant, ici, en général, la traçabilité n’est pas rendue obligatoire par l’État, mais seulement recommandée. Elle relève...