HOYLE FRED (1915-2001)
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C'est avant tout pour ses contributions au développement de la cosmologie moderne – en particulier, le modèle de l'état stationnaire et la théorie de la nucléosynthèse – que le Britannique Fred Hoyle s'est rendu célèbre. Il a également effectué de nombreux travaux sur les étoiles supermassives, la structure des étoiles, la théorie de l'accrétion, le décalage vers le rouge des quasars. En 1939, Fred Hoyle devient membre du St. John's College de l'université de Cambridge, où il sera professeur « Plumian » d'astronomie et de philosophie expérimentale de 1958 à 1972 ; titulaire de la chaire Sherman Fairchild du California Institute of Technology en 1974, professeur en résidence au titre de la bourse Andrew D. White à l'université Cornell (Ithaca, N.Y.) de 1972 à 1979, il a occupé jusqu'à sa mort une chaire à 1'université de Cardiff. Il assura la présidence de la Royal Astronomical Society en 1973. Par ailleurs, il a écrit de nombreux ouvrages scientifiques et des livres de vulgarisation renommés. Fred Hoyle est le fondateur de l'Institute of Theoretical Astronomy de Cambridge qu'il dirigera de 1967 à 1973. De nombreuses distinctions lui ont été décernées, dont la médaille d'or de la Royal Astronomical Society (1968), le prix Kalinga (1968), la médaille royale de la Royal Society (1974), le prix Crafoord de l'Académie royale des sciences de Suède (avec Edwin Salpeter, 1997). Membre de la Royal Society, il reçut le titre d'écuyer (Knight) en 1972.
La théorie de l'état stationnaire
Né le 24 juin 1915 à Bingley, dans le Yorkshire (aujourd'hui le West Yorkshire), Fred (Frederick) Hoyle étudie les mathématiques et la physique théorique à Cambridge de 1933 à 1939. Lorsque les hostilités éclatent, il s'engage dans la Royal Navy pour travailler au développement du radar au centre de recherche ultrasecret de Witley. Il y rencontre deux physiciens d'origine autrichienne, Hermann Bondi et Thomas Gold. Tous trois passionnés de cosmologie, ils considèrent avec scepticisme le modèle standard de l'Univers, alors – et encore aujourd'hui – généralement accepté, celui du big bang. Ce modèle, élaboré, notamment, par Alexandre Friedman et Georges Lemaître, est fondé sur la théorie de la relativité générale ; il postule que la relation entre la distance et la vitesse de récession des galaxies, établie grâce aux observations d'Edwin P. Hubble, indique que l'Univers est en expansion constante, et qu'il a eu un commencement. Pour Bondi, Gold et Hoyle, cette idée de commencement est, d'un point de vue philosophique, inacceptable. À l'époque, le modèle standard achoppait à une difficulté sérieuse : d'après les estimations de Hubble, l' âge de l'Univers devait être d'environ deux milliards d'années ; or, les données géologiques conduisaient à un âge de la Terre d'au moins quatre milliards d'années. En 1952, Walter Baade devait relever une erreur dans l'estimation de Hubble, et il aboutissait, pour l'âge de l'Univers, à quatre milliards d'années. De nos jours, l'âge estimé de l'Univers – treize milliards d'années – élimine totalement la difficulté, mais cette question était alors cruciale et les discussions de Bondi, Gold et Hoyle à Witley allaient les amener à formuler, quelques années plus tard, leur propre théorie cosmologique : le modèle de l'état stationnaire.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, et dans les quelques années qui suivent la fin des hostilités, Hoyle publie plusieurs études sur la théorie de l'accrétion et sur la théorie de la structure stellaire, en particulier pour les étoiles géantes et les naines blanches. Ses travaux sur l'accrétion, réalisés en collaboration avec Raymond A. Lyttleton et Bondi, sont devenus des classiques. Leur importance s'impose bien davantage de nos jours, car l'étude des processus d'accrétion sous-tend maintenant de vastes domaines de l'astronomie (étoiles variables cataclysmiques, étoiles binaires rayonnant en X, quasars, radiogalaxies...).
La guerre terminée, les trois hommes retournent à Cambridge, où Hoyle obtient une chaire de mathématiques. En 1948, ils exposent leur théorie dans deux articles, l'un de Bondi et Gold, l'autre de Hoyle. Dans son article, Hoyle propose une explication de la création de la matière qui conduit à un Univers dont la structure de l'espace-temps est du type avancé par Willem de Sitter. Bondi et Gold, quant à eux, posent ce qu'ils nomment le principe cosmologique parfait, selon lequel notre position dans l'Univers est typique, non seulement dans l'espace comme l'affirme le modèle standard, mais aussi dans le temps : un astronome situé dans une galaxie éloignée observerait les mêmes propriétés générales de l'Univers que nous, qu'il ait vécu un milliard d'années plus tôt, ou qu'il l'observe dans un milliard d'années. Cela implique que l'Univers est stationnaire : ses propriétés demeurent inchangées dans le temps. En particulier, le nombre de galaxies dans une immense sphère (d'un rayon de cent millions d'années-lumière ou plus) resterait constant. Cependant, à cause de l'expansion de l'Univers, des galaxies quittent en permanence la sphère. Afin de maintenir l'accord entre l'expansion observée et le principe cosmologique parfait, Bondi et Gold supposent que de la matière est créée à tout instant ex nihilo, matière dont naissent de nouvelles galaxies. Ils rejettent ainsi courageusement une loi physique fondamentale, celle de la conservation de la masse. Hoyle souligne cependant que ce postulat ne changerait guère la physique conventionnelle, puisque ce phénomène est bien en deçà de toute vérification expérimentale : les calculs conduisent à un taux de création d'un atome d'hydrogène par décimètre cube et par milliard d'années. Cette nouvelle théorie n'a donc aucune répercussion sur les observations physiques. En revanche, ses implications philosophiques et cosmologiques sont considérables.
Pour le philosophe, la théorie de l'état stationnaire offre une alternative au problème d'un commencement de l'Univers posé par le modèle standard. L'acte de création unique est remplacé par un Univers qui se crée continuellement lui-même ; on rejoint en cela Spinoza – natura naturans (« la nature se procréant ») – ou Bergson, avec l'évolution créatrice. Pour le cosmologiste, cette hypothèse offre une économie de moyens : il peut déduire des conclusions majeures d'un nombre minimal de postulats. En fait, l'expansion même de l'Univers est, dans le modèle de l'état stationnaire, une conséquence purement logique du principe cosmologique parfait et de l'observation évidente que l'Univers n'est pas en équilibre thermodynamique. Hoyle démontre que, géométriquement et cinétiquement, le modèle de l'état stationnaire est identique au modèle d'expansion indéfinie de De Sitter, selon lequel les distances entre les galaxies augmentent exponentiellement avec le temps. Cette expansion accélérée est maintenue par une pression négative dont la nature ne fut jamais convenablement expliquée. Dynamiquement, cependant, ces deux théories sont très différentes. Cela est dû aux termes de création qui apparaissent dans les équations dynamiques gouvernant l'état stationnaire. Ils sont introduits par Hoyle par un procédé mathématique d'une grande élégance. Mais, aux yeux de nombreux cosmologistes, l'élégance formelle de ce procédé n'était pas le seul avantage de la théorie de l'état stationnaire : cette théorie fournissait des prévisions concrètes, puissantes, vérifiables par l'observation, sur l'aspect de l'Univers. Ces prévisions différaient en bien des points de celles du modèle standard, ce qui ramena les tenants des deux camps sur le terrain des faits observables. Au cours des années 1950, ces controverses firent beaucoup avancer, quoique souvent indirectement, le développement des programmes et des techniques modernes d'observation.
Quand Hoyle quitte Cambridge pour son premier long séjour aux États-Unis, il déclare aux journalistes : « Je vais aux États-Unis pour prouver, à l'aide des télescopes géants américains, que la théorie de l'état stationnaire est exacte. » Il ne peut le prouver, les observations américaines au cours des dix années suivantes confirmant au contraire la thèse évolutionniste : époque capitale où l'on découvrit les quasars (1963) et le rayonnement du corps noir cosmologique (1965). C'est Hoyle qui fournit les contributions principales aux explications de ces découvertes.
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Écrit par
- Marek A. ABRAMOWICZ : professeur d'astrophysique à l'université de Göteborg, Suède
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Voir aussi
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- SCIENCES HISTOIRE DES, XXe XXIe s.
- HÉLIUM
- PRINCIPE COSMOLOGIQUE PARFAIT
- BONDI HERMANN (1919-2005)
- GOLD THOMAS (1920-2004)
- ACCRÉTION, astrophysique
- FOND DIFFUS COSMOLOGIQUE ou RAYONNEMENT COSMOLOGIQUE
- ASTRONOMIE HISTOIRE DE L'
- EXPANSION DE L'UNIVERS
- MODÈLE COSMOLOGIQUE
- ÂGE DE L'UNIVERS
- ÉTOILES SUPERMASSIVES