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BRULY BOUABRÉ FRÉDÉRIC (vers 1923-2014)

Frédéric Bruly Bouabré est né vers 1923 à Zéprégühé, petit village de la Côte d'Ivoire (alors une colonie de l'Afrique-Occidentale française) ; il vit et travaille à Abidjan. Comme le dit Bouabré, en Afrique, quand un homme est né, on se contente de savoir qu'il est né, on ne cherche à compter ni les jours, ni les mois, ni les années... L'enfant demande à son oncle Lebato à être scolarisé et il suit les cours de l'école française de Daloa de 1931 à 1940, où il se distingue par sa vive curiosité et par une volonté profonde de s'instruire. En 1940, il fait son service militaire dans la marine, jusqu'à la fin des hostilités. Il exerce ensuite divers métiers au Sénégal et en Côte-d'Ivoire avant de devenir fonctionnaire de l'administration coloniale.

Ayant fait la connaissance du savant et naturaliste français Théodore Monod, Bruly Bouabré lui présente l'alphabet ivoirien dont il est le « découvreur » par une lecture personnelle des petits cailloux de Békora. Dans ce village situé près de Zéprégühé, on trouve d'étranges cailloux riches en fer qui comportent des signes et des formes géométriques que Bouabré a su déchiffrer, ce qui lui a valu la réputation de « nouveau Champollion ». Théodore Monod, qui selon Bouabré, « sut me confier l'utile et le radieux secret de la science d'observation », consacrera en 1958 dans Notes africaines une longue étude à cette découverte : « Un nouvel alphabet ouest-africain : le bété (Côte-d'Ivoire) », in Bulletin d'information et de correspondance de l'Institut français d'Afrique noire (I.F.A.N.) fondé en 1939 par Théodore Monod qui en était le sécrétaire général.

Dès 1941, Bruly Bouabré aborde en autodidacte un certain nombre de domaines de la connaissance et consigne ces recherches dans de très nombreux manuscrits consacrés aux arts et traditions, à la poésie, aux contes, à la religion, à l'esthétique, à l'histoire, à la pédagogie, à la philosophie, à la morale, à la politique et enfin aux sciences. À la lecture de ces textes se dessine une étonnante figure de penseur, d'enquêteur, de poète, d'encyclopédiste, de créateur.

L'origine de son œuvre est liée pour Bruly Bouabré à un événement précis de son existence : « Depuis le 11 mars 1948, depuis que le ciel s'ouvrit à mes yeux et que les sept soleils colorés décrivirent un cercle de beauté autour de leur Mère-Soleil, je suis désormais Cheikh Nadro » (Nadro : en bété, « je n'oublie pas » ou « je ne dois pas oublier »). Cette vision va entretenir en permanence une relation d'échange entre son œuvre et sa vie, qui s'opère chaque jour par un approfondissement de tout ce qui est caché ou donné à la surface des choses : signes, pensées divines, rêves, mythes, sciences, traditions. Bouabré rassemble, accumule des éléments hétérogènes (écriture, formes, pensées) en faisant appel à tous les champs du savoir pour composer, recomposer à nouveau une autre totalité. Pour lui, la vie est une grande école dont nous sommes tous les élèves. Transmettre est un sujet d'émerveillement : « Toute science éducative et vertueuse vient toujours au secours de l'humanité. Que celle-ci la cultive et l'exploite pour son salut. »

Afin de fixer et de transmettre le savoir de son peuple, les Bété, il a inventé un alphabet de plus de 448 pictogrammes monosyllabiques accompagnés de textes.

Dans l'introduction de son livreL'Alphabet Bété, Bruly Bouabré écrit : « L'alphabet est l'incontestable pilier du langage humain. Il est le creuset où vit la mémoire de l'homme. Il est un remède contre l'oubli, redoutable facteur de l'ignorance. [...] Trouver sur la scène de la vie humaine une écriture spécifiquement africaine tel est mon désir.[...]

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Écrit par

  • : conservateur de la Contemporary African Art Collection, historien de l'art

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