FISBACH FRÉDÉRIC (1966- )
Né en 1966 à Paris, Frédéric Fisbach s'affirme comme l'un des metteurs en scène les plus singuliers du nouveau paysage théâtral français. C'est comme acteur qu'il commence sa carrière, en particulier dans les mises en scène de Stanislas Nordey. Après avoir rencontré celui-ci au Conservatoire (dont il sort en 1991), il le suit en résidence au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis (1991-1993), puis en tant que membre de la troupe permanente du Théâtre de Nanterre-Amandiers, de 1994 à 1997. Parallèlement, il commence à mettre en scène des spectacles de formes légères. Mais ce n'est qu'au milieu des années 1990 qu'il décide d'abandonner son activité d'acteur, pour se consacrer à la mise en scène au sein de l'Ensemble Atopique, créé en 1996.
Le travail de Frédéric Fisbach manifeste un état de recherche permanente : stages avec des professionnels ou des amateurs, expériences à l'étranger, travail sur des « petites formes » – ainsi À trois, de Barry Hall, spectacle destiné à être représenté dans les bars, en 1999-2000 –, et collaborations diverses contribuent régulièrement à la remise en question de sa pratique. Il est, du coup, difficile de le réduire à une esthétique fixe et établie. Sa démarche refuse en effet un certain goût du spectaculaire, pour privilégier le détour par des formes qui font entendre différemment le texte de l'œuvre choisie et déstabilisent, mais dans une grande douceur, l'écoute du spectateur pour mieux la renouveler.
En découle un important travail formel, en particulier dans le traitement de la langue. L'Annonce faite à Marie, de Claudel, en 1996, privilégiait notamment l'exhibition des codes poétiques (diérèse, E muets), de la ponctuation, et le travail sur la musicalité. Dans ce théâtre où la matérialité du texte occupe une si grande place, les acteurs, ou plutôt les interprètes, comme Fisbach préfère les appeler, sont alors porteurs, avec un investissement bien différent de la simple incarnation psychologique, d'une écriture qu'il leur faut déployer dans un travail commun, où un principe choral se laisse percevoir.
Les spectacles suivants vont prolonger de tels principes, mêlés à une interrogation, à chaque fois différente, sur la représentation. Après Un avenir qui commence tout de suite. Vladimir Maïakovski (1997-1998), Frédéric Fisbach monte en 1999 L'Île des morts et Le Gardien de tombeau (de Strindberg et Kafka). Ce spectacle lui permet d'interroger l'image, et la place du spectateur (rendue plus indécise par le jeu sur le dispositif perspectif), en particulier à travers la représentation du fantastique et des fantômes dans le texte de Kafka. Il voyage ensuite au Japon, et, en 1999, crée à Tōkyō Nous, les héros, de Jean-Luc Lagarce, en langue japonaise, à l'issue d'un travail en commun avec Oriza Hirata, dont il monte en France la pièce Tokyo Notes l'année suivante. Avec Tokyo Notes, qui réunit vingt-trois acteurs, Fisbach accentue certains aspects de sa démarche, tout particulièrement le travail sur la choralité – une choralité où l'exigence d'unité ne doit pas entamer la singularité de chacun. L'espace scénique (conçu, comme d'habitude, par le scénographe Emmanuel Clolus, et éclairé par Daniel Lévy) fonctionne comme un dispositif très réglé mais non figé : là, le monde de la fiction, inscrit dans un carré de lumière, se double d'une périphérie qu'occupent les acteurs qui ne sont pas immédiatement en jeu. Frédéric Fisbach met ensuite en scène l'opéra de chambre Forever Valley, de Gérard Pesson, sur un livret de Marie Redonnet.
En 2001, Bérénice, de Racine, qu'il conçoit en collaboration avec le chorégraphe Bernardo Montet, est l'occasion pour lui de doubler sa réflexion sur la langue et sur l'acteur-interprète[...]
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Écrit par
- Christophe TRIAU : professeur en études théâtrales à l'université Paris-Nanterre, unité de recherche HAR - Histoire des arts et des représentations
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