FRÉDÉRIC II DE PRUSSE (1712-1786)
Le despote éclairé
L'admiration des contemporains n'est pas allée uniquement au chef de guerre. Leurs louanges s'adressent plus encore au souverain éclairé, au « roi philosophe ». Douze années de guerre (la campagne de 1778 n'est qu'une mobilisation) sur quarante-six ans de règne : le souverain a eu le temps d'améliorer l'administration de son royaume. Dans quel sens vont ses réformes ? Quel est l'esprit qui les anime ? L'œuvre intérieure de Frédéric II s'inscrit-elle dans le mouvement du despotisme éclairé dont l'importance se révèle de plus en plus grande dans l'Europe du xviiie siècle ?
Frédéric apparaît tout d'abord comme un souverain absolu. Aucune volonté ne peut s'opposer à la sienne : les états provinciaux sont sans pouvoirs, le clergé, protestant ou catholique, est tenu en bride, la noblesse est liée au prince par l'armée dont elle fournit les cadres, les fonctionnaires ne sont pas, comme en France, des officiers propriétaires de leur charge. Les ministres et les conseillers – Podewils et Hertzberg pour les Affaires étrangères, le baron de Cocceji pour la Justice, le secrétaire du cabinet Eichel – n'ont d'influence que celle que le roi veut bien leur laisser. Simples exécutants de la volonté du maître, les administrateurs appliquent les mesures ordonnées par celui-ci pour accroître les revenus du royaume.
Tel est bien le but essentiel : le royaume est administré « comme une ferme » qui doit rapporter toujours davantage. Frédéric a gardé l'appareil bureaucratique et le système fiscal de ses prédécesseurs, les ressources provenant des domaines (ils couvrent un quart du pays), de la contribution foncière et des impôts indirects (accise). Les novations financières sont postérieures à 1763 : fondation de la Banque d'émission de Berlin (1765), mise en régie des postes et de l'accise (1766). Les recettes provenant de la régie sont versées (ainsi que les excédents des recettes des provinces) à un « fonds de disposition » non soumis au contrôle de la Cour des comptes et où Frédéric puise comme il l'entend. Ainsi sont facilitées non seulement la reconstitution de l'armée et la restauration du pays après la guerre de Sept Ans, mais aussi la mise en valeur des provinces nouvellement acquises, par une politique de colonisation activement poussée.
Frédéric législateur ? Ses contemporains l'en ont loué. Mais ce réaliste voit surtout les cas concrets, et les mesures qu'il prend concernent presque toutes des situations particulières. Il aurait cependant voulu attacher son nom à un code, mais le Corpus juris Fredericianum, auquel avait travaillé le chancelier Cocceji, fut abandonné après la mort de celui-ci (1755). L'un des buts que se proposait le roi était d'améliorer la condition paysanne par la transformation des serfs en tenanciers héréditaires, mais il se heurta aux droits acquis et, comme il avait besoin des nobles pour encadrer l'armée, la réforme ne put être menée à bien.
Mesures de détail ou vues d'ensemble, tout concourt à une fin unique : la grandeur de la Prusse ; tout est subordonné à l'intérêt de l'État. Le « philosophe couronné » dont une habile propagande s'est appliquée à répandre l'image en Europe se révèle en réalité « un grand Prussien, le plus grand de tous peut-être », non seulement dans les limites de son royaume, mais aussi dans le cadre du Saint Empire romain germanique.
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Écrit par
- Michel EUDE : maître assistant à la faculté des lettres et sciences humaines de Rouen
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