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LE PLAY FRÉDÉRIC (1806-1882)

Les leplaysiens

Autour de Le Play, surtout à partir de 1872, se constitue un groupe de disciples dont les figures les plus marquantes sont A. Focillon (1823-1890), E. Cheysson (1836-1910), A. Delaire (1836-1915), H. de Tourville (1842-1903), C. Jannet (1844-1894) et E. Demolins (1852-1907). C'est au sein de cette première génération leplaysienne que, trois ans après la mort du maître, se produit une scission. La tension que maintenait Le Play entre le projet scientifique et les visées réformatrices est devenue une contradiction insoutenable pour Tourville et Demolins. Ils se retirent et fondent la Société de la science sociale, nom qu'ils donnent à la revue qu'ils créent aussitôt (1886). Ils entraînent avec eux quelques jeunes gens de la seconde « génération », parmi lesquels P. Bureau (1865-1923), P. Champault (mort en 1915), P. Prieur, R. Pinot (1862-1926) et P. de Rousiers (1857-1934). À l'origine de la séparation, il y a le souci de Tourville et de Demolins de se désengager du credo politique de Le Play et de continuer, avant tout, son œuvre scientifique. Mais, ce faisant, ils se coupent brutalement de la base sociale qui porte la Société d'économie sociale : le réseau des Unions.

La continuation qu'ils souhaitent est cependant rendue possible grâce à deux facteurs. Tout d'abord, Tourville apporte personnellement les moyens financiers indispensables à l'existence de la Science sociale. Il permet ainsi à l'activité scientifique de se poursuivre. Elle porte, premièrement, sur un enrichissement de la méthode de Le Play. Alors que les « orthodoxes » de la Société d'économie sociale semblent s'enliser dans l'accumulation répétitive de monographies de famille, Tourville forge un nouvel instrument d'analyse : la nomenclature des faits sociaux. Cette nomenclature permet de situer la famille étudiée (qui reste la base et le point de départ de l'observation) dans l'ensemble social auquel elle appartient et qui la détermine. Il annonce Demolins qui, avec son concept de « répercussions sociales », ouvre une nouvelle perspective à la sociologie leplaysienne : celle de l'analyse des rapports des faits sociaux entre eux. Deuxièmement, les leplaysiens de la Science sociale se livrent à un examen critique des conclusions de Le Play en faveur de la famille-souche. Fidèles à la méthode d'observation, ils opèrent à partir de recherches sur le « terrain », spécialement aux États-Unis que Le Play n'avait pas connus directement. L'étude de la société nord-américaine les convainc que la famille-souche n'est pas la forme supérieure tant vantée, facteur décisif de stabilité sociale. Cet objectif n'est pas atteint mécaniquement par la transmission intégrale du patrimoine. L'important est de mettre chaque enfant en état de fonder une famille. Le modèle devient celui de la famille particulariste et la question centrale, celle de l'éducation. Tels sont les termes de la nouvelle problématique que Demolins pose, en 1897, dans un livre retentissant : De la supériorité des Anglo-Saxons. Deux ans plus tard, il fonde, pour démontrer le bien-fondé de sa pensée, l'école des Roches dont il veut faire un foyer pratique du particularisme.

Le deuxième facteur réside dans la demande sociale qui, au tournant du siècle, en pleine montée du syndicalisme et du socialisme, se porte sur la sociologie. Comme la plupart des courants ou des écoles sociologiques, la Science sociale est sollicitée pour éclairer l'opinion. Elle l'est, en effet, par le truchement du Musée social dont R. Pinot est le premier directeur et l'organisateur, et aux activités duquel participent P. de Rousiers (dont l'analyse du trade-unionisme est remarquée par Pelloutier et Sorel) et P. Bureau. La collaboration est écourtée en raison d'une mésentente entre le fondateur du musée, le comte de[...]

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Écrit par

  • : docteur de troisième cycle en sociologie, chargé de cours à l'U.E.R. des sciences de l'éducation à l'université de Paris-VIII

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