MAURO FRÉDÉRIC (1921-2001)
Frédéric Mauro, historien de la deuxième génération des Annales, était l'une des principales figures françaises du latino-américanisme.
Né à Valenciennes, ce fils d'un ingénieur civil des Ponts et Chaussées, passé par les rangs de la Jeunesse étudiante catholique, est très tôt attiré par les sciences sociales. Après l'agrégation d'histoire, obtenue en 1947, il est, avec Pierre Chaunu, des premiers doctorants de Fernand Braudel entre lesquels celui-ci „partage les océans“.
Après un an au lycée du Mans (1947-1948), le jeune professeur séjourne l'année suivante à New York (Fordham et Columbia University), afin de compléter sa formation économique. À la rentrée de 1949, il est nommé assistant à la faculté de lettres de Toulouse où il devient professeur d'histoire moderne en 1958. À partir de 1967, il occupe à Nanterre la première chaire française d'histoire de l'Amérique latine. Jusqu'à sa retraite, en 1991, il se partage entre Nanterre et le séminaire de recherche qu'il dispense à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine.
Travailleur inlassable, Frédéric Mauro a produit une œuvre abondante, dominée par l'histoire économique et placée sous les auspices de Fernand Braudel et d'Ernest Labrousse. Au total, une trentaine d'ouvrages – une vingtaine écrits de sa main et la direction d'une dizaine d'ouvrages collectifs – où se côtoient travaux érudits et généraux. Toutefois, Le Portugal et l'Atlantique au XVIIe siècle (1570-1670), sa thèse, soutenue en 1957, est sans conteste son grand œuvre. Grâce à l'ampleur des archives sérielles dépouillées „dispersées sur 30 000 kilomètres“, il dresse un vigoureux tableau économique de l'empire atlantique de Lisbonne quand le sucre brésilien était la denrée motrice de l'activité coloniale. Cette contribution de poids à l'historiographie tant portugaise que brésilienne lui vaut la reconnaissance internationale comme historien éminent du monde luso-brésilien.
Dans une conjoncture marquée, dès les années 1960, par le boom des études latino-américaines, l'activité d'animateur scientifique qu'il déploya à Toulouse ne fut pas moindre. En participant au lancement de la revue Caravelle (1963), consacrée au monde hispanique et luso-brésilien et en organisant le colloque sur „Les capitales en Amérique latine“ (1964), il a beaucoup contribué à faire de Toulouse un pôle majeur du latino-américanisme français. En 1971, il est, à Paris, la cheville ouvrière du grand colloque international du C.N.R.S. sur „L'histoire quantitative du Brésil de 1800 à 1930“. Les quelque quatre-vingts thèses qu'il a dirigées, avec une attention et une bienveillance que dissimulaient mal sa réserve et son maintien tout britanniques, disent assez quel trait d'union il sut être entre la France et l'Amérique latine, d'où provenaient la majorité de ses doctorants. En digne hériter de Fernand Braudel, fondateur de l'université de São Paulo, Frédéric Mauro poursuivit son magistère au Brésil où, à partir de 1953, il mena régulièrement des missions d'enseignement qui ne furent pas pour peu dans le rayonnement de l'école historique française.
Enfin, on ne saurait passer sous silence son rôle majeur dans l'institutionnalisation des réseaux de chercheurs latino-américanistes en Europe. L'Association des historiens latino-américanistes européens (Ahila), l'Association française des sciences sociales sur l'Amérique latine (A.F.S.S.A.L.), ou encore le Conseil européen de recherches en sciences sociales sur l'Amérique latine (C.E.I.S.A.L.), lui doivent énormément.
Bibliographie sélective
Le Portugal, le Brésil et l'Atlantique au XVIIe siècle, Fondation Gulbenkian, Paris, 1983 (réédition[...]
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Écrit par
- Richard MARIN : professeur émérite d'histoire contemporaine, université de Toulouse-Jean-Jaurès
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