MISTRAL FRÉDÉRIC (1830-1914)
Mistral n'est pas, comme on l'a dit, le poète de la Provence. Il est le poète d'une idée de la Provence. À cette idée, il a consacré sa vie d'homme et voué son œuvre d'écrivain. Pour illustrer et défendre cette idée, il a élaboré ce que ses disciples ont appelé « la doctrine mistralienne », doctrine assez fluctuante pour que des familles d'esprit fort différentes aient pu se réclamer de lui. Quel que soit le jugement porté sur l'influence intellectuelle de Mistral, une chose est assurée : il a pris place parmi les grands poètes de l'humanité.
Le poète et son œuvre
Quand Lamartine, dans son quarantième Entretien du Cours familier de littérature, rendit célèbre Mistral, le poète avait vingt-neuf ans. « Un grand poète épique est né », « un vrai poète homérique », s'écriait Lamartine. « Nous ne te demandons d'où tu viens ni qui tu es : Tu Marcellus eris », ajoutait-il, après avoir parlé du « poète villageois de Maillane », ce qui correspondait parfaitement aux idées du Lamartine d'après 1848 et du « romantisme du peuple ». En réalité, si Lamartine ne se trompait pas sur le caractère épique de Mirèio, il se trompait sur le poète villageois. Mistral était déjà ce qu'il voulait être : le poète d'un peuple.
Né à Maillane, d'une famille de paysans aisés, le jeune Frédéric reçut l'éducation d'un fils de famille et passa sa licence en droit à Aix-en-Provence. Dans Mes origines, mémoires et récits (Moun espelido, memòri e raconte, 1906), il dira comment sa double vocation, provençale et poétique, est née du sentiment de la déchéance d'un peuple qui rougit de parler sa langue naturelle ravalée au rang de patois. S'il déclare, aux premiers vers de Mirèio, qu'il ne chante que pour les pastre e gènt di mas, c'est parce que ce peuple est son peuple : le peuple de Provence. Son œuvre aurait pu n'être que revendicative, comme le furent bien d'autres œuvres en Europe, en ce temps-là, et comme l'ont été depuis bien d'autres œuvres en Amérique, en Afrique, en Asie. Mais Mistral avait reçu en don le génie poétique.
Ce don, il le manifesta magnifiquement dans Mirèio, d'abord (1859), épopée de la Provence rhodanienne, puis dans Calendal (1867), épopée de la Provence maritime et montagnarde, dans Nerto (1884), nouvelle épique où revit la Provence du temps des papes d'Avignon, dans La Reine Jeanne (La Reino Jano, 1890) qui tient plus de l'épopée que de la tragédie, aussi bien que dans ses deux chefs-d'œuvre lyriques Les Îles d'or (Lis Isclo d'or, 1875) et Les Olivades (Lis Oulivado, 1912) et dans ce singulier Poème du Rhône (Lou Pouèmo dòu Rose, 1897), probablement son chef-d'œuvre le plus pur.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Charles CAMPROUX : professeur honoraire à l'université Paul-Valéry, Montpellier
Classification
Média
Autres références
-
OCCITANES LANGUE ET LITTÉRATURE
- Écrit par Pierre BEC , Charles CAMPROUX et Philippe GARDY
- 7 327 mots
- 1 média
...dignité. Ils désirent tout aussi ardemment connaître une gloire littéraire que seule la consécration parisienne est susceptible de leur apporter. Très vite, Frédéric Mistral (1830-1914), né à Maillane, au pied des Alpilles, s'impose comme le chef de file de cette nouvelle école. Ses origines paysannes et...