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FRÊNE

Quatre siècles avant notre ère, Hippocrate et Théophraste conseillaient déjà les feuilles de frêne (Fraxinus excelsia L. ; oléacées) dans le rhumatisme et la goutte comme diurétiques. Au iie siècle, le médecin et poète latin Serenus Samonicus prescrivait ses fruits dans l'hydropisie. Dioscoride et Pline, en relatant son emploi interne et externe contre les morsures de serpents, lui feront une réputation durable d'arbre antivenimeux. Le Moyen Âge employait le frêne dans la surdité et les maux de dents, en négligeant les propriétés diurétiques, qui seront reprises et précisées de la Renaissance à nos jours. Au xviiie siècle, l'arbre connut une certaine renommée de fébrifuge.

Les feuilles, qu'on récolte en juin, et les fruits ailés (samares des botanistes, « langues d'oiseau » des apothicaires), cueillis avant maturité, sont des diurétiques antirhumatismaux et antigoutteux de premier ordre, les seconds étant peut-être les plus actifs. Les médecins qui ont mis en usage le frêne : Pouget (1852), D. M. de Larue (1852-1853), J. F. Cazin (1858), H. Leclerc (1935), F. Decaux (1939), s'accordent tous à y voir l'un des meilleurs remèdes végétaux indigènes de la goutte et de l'arthrite. Cazin en a obtenu des succès dans le rhumatisme articulaire aigu.

La décoction de frêne a des effets à la fois diurétiques et sudorifiques. Elle fait baisser le taux d'acide urique dans le sang et réduit les engorgements articulaires (feuilles sèches : 30 grammes par litre d'eau, trois ou quatre tasses par jour ; fruits secs : de 10 à 30 grammes par litre d'eau).

La jeune écorce de frêne, qui contient un glucoside, le fraxoside (il représenterait le principe actif de la plante selon certains auteurs, mais les feuilles n'en renferment pas), a été considérée comme un fébrifuge de grande valeur, au xviiie siècle. C. Helwig (1712) l'appelait « quinquina d'Europe ». J. H. Kniphof, Murray, Coste et Willemet l'ont vérifié à sa suite. Des essais plus récents ont montré que cette écorce aux effets irréguliers n'avait rien d'un succédané de la quinine. Assez riche en tanin, elle peut toutefois s'utiliser dans les diarrhées et la dysenterie. Inutilisée de nos jours, elle est peut-être plus diurétique et plus sudorifique que les feuilles : quelques vieux auteurs la préféraient contre les rhumatismes.

L'usage du frêne contre les morsures de serpents, relaté par Dioscoride et Pline, n'est sans doute pas une fable. L'agronome Columelle, leur contemporain, en parle comme d'un remède vétérinaire courant et compare ses effets à ceux de la bardane, dont le pouvoir antivenimeux est certain. Comme cette dernière, le frêne pourrait détruire le venin par oxydation de ses principes actifs. Beauregard, cité par Mérat (1831), en a vu les bons résultats sur l'homme.

L'alliance du frêne et du serpent se retrouve dans la mythologie scandinave et dans tout le folklore européen. Yggdrasil, arbre cosmique des Anciens norvégiens, est souvent dépeint comme un frêne dont la cime se confond avec le ciel et dont les racines descendent aux enfers. Un serpent gîte dans ces profondeurs et, chaque jour, un aigle descend du feuillage pour le combattre. Le serpent associé à l'arbre est une image mythique fondamentale qui se rattache au symbolisme phallique. Le frêne ne pouvait échapper à cette règle qui fait que la plupart des « arbres à serpent » sont en même temps des arbres de génération et de vie. Dans le folklore français des plantes, c'est le dernier recours des impuissants et de ceux auxquels un maléfice a « noué l'aiguillette ». Ennemi du serpent qui donne la mort, il guérit son homologue et contraire symbolique, celui qui porte le germe de vie.

— Pierre LIEUTAGHI

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    Le genre Fraxinus comporte soixante-dix espèces dans la zone tempérée de l'hémisphère Nord ; les deux espèces les mieux connues sont F. ornus, le « frêne à fleurs » de l'Europe méridionale, à inflorescences terminales, à corolle présente et dont on extrait la manne par incision du tronc,...