MORAVES FRÈRES
Des musiciens et des pédagogues
L'austère humilité de l'Unité primitive a entretenu chez ses membres une certaine méfiance à l'égard des sciences. La Renaissance fut pour eux un scandale de luxe et de paganisme. De l'humanisme, ils ont surtout retenu ce « tribunal de la raison » au service d'une connaissance exacte. L'art sera un moyen de rendre le service divin plus beau, ce qui explique l'importance pour eux du chant choral ; la littérature sera un instrument d'édification et une arme au service de la foi et de la nation. Ils contribuent donc à la culture nationale en fidèles continuateurs de la tradition plébéienne et patriotique du mouvement hussite.
Les frères sont avant tout des pédagogues, et l'Unité voue un soin particulier à sa mission éducatrice. Jusqu'à la dispersion de 1624, ses écoles, multipliées à travers le pays, lui ouvrent une large audience dans le peuple et permettent aux Tchèques de résister aux efforts de la Réforme catholique et de la germanisation. D'exils en exils, les écoles ont essaimé à travers la Pologne jusqu'en Biélorussie et en Ukraine. L'autorité et l'exemple de Jan Blahoslav (1523-1571) furent décisifs pour l'activité scientifique et culturelle des frères. Évêque de l'Unité en 1557, Blahoslav la dota d'une imprimerie à Ivančice et envoya de nombreux frères parachever leurs études près des universités de Wittenberg, de Kœnigsberg et de Bâle ; il est l'auteur d'un Recueil de chants évangéliques (1564) et d'une Musique théorique (1569) ; il donna une traduction du Nouveau Testament et codifia la langue dans une célèbre Grammaire tchèque (1571) : il y aura désormais toujours parmi les frères des grammairiens, des compositeurs et des pédagogues. La traduction de la Bible dite de Králice, que les émules de Blahoslav firent paraître en cette ville (1579-1593), demeure le monument le plus achevé de la langue classique tchèque. Cette traduction est si parfaite qu'en 1668 les jésuites de Bohême l'utilisèrent pour établir leur propre édition de l'Écriture. Plus de cent mille cantionnaires sortirent au cours du xvie siècle des imprimeries de l'Unité. La dispersion forcée n'interrompit en rien cette vitalité culturelle : l'académie de Leszno, fondée en 1557, prit la relève de Králice, lorsque Komenský (Comenius) devint son recteur.
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Écrit par
- Michel LARAN : maître de recherche au C.N.R.S.
Classification
Autres références
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BLAHOSLAV JAN (1523-1571)
- Écrit par Bernard ROUSSEL
- 376 mots
Le premier des « humanistes » au sein de l'Unitas fratrum de Moravie, ou Unité des frères de la loi du Christ, secte qu'on appelle plus couramment les Frères moraves. Appartenant à une tradition familiale enracinée dans les communautés de frères, Jan Blahoslav fait des voyages multiples...
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CHELČIKY PETR (1380 env.-1467)
- Écrit par Bernard ROUSSEL
- 288 mots
Penseur religieux et écrivain tchèque de la tradition hussite, né près du bourg de Chelčice, en Bohême méridionale, Petr Chelčiký lut des œuvres de Thomas de Štítný et entendit peut-être des prédications de Jean Hus. Pacifiste intransigeant, il s'écarta des taborites, utraquistes...
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COMENIUS ou JAN AMOS KOMENSKY (1592-1670)
- Écrit par Vaclav CERNY
- 1 610 mots
Seule la première moitié de sa vie, celle de ses années de ministre réformé et derecteur dans les écoles latines de la communauté des Frères bohêmes de sa province natale – il est né à Brod en Moravie –, appartient à sa patrie ; banni, en 1621, à la suite du désastre des États insurgés de Bohême... -
LUC DE PRAGUE, tchèque LUKÁŠ PRAŽSKY (1458-1528)
- Écrit par Bernard ROUSSEL
- 979 mots
Personnalité marquante de la deuxième génération de l'Unité des frères (Unitas fratrum) tchèques, constituée en 1467. L'action de Luc de Prague comme membre du Conseil étroit et comme évêque, ses écrits théologiques, pastoraux, liturgiques ont contribué à donner à l'Unité des frères une structure ferme,...
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