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FRÈRES MUSULMANS

L'Association des Frères musulmans est née à Ismaïlia, en Égypte, en 1928. Son fondateur, Hasan al-Bannā’, n'est pas un ouléma, mais un simple instituteur très affecté par la domination anglaise sur son pays et les influences, jugées corruptrices, de l'Occident matérialiste. Sa prise de conscience de la nécessité d'une renaissance islamique en Égypte s'inscrit dans la postérité intellectuelle des réformistes musulmans, pour qui le principal remède au déclin des sociétés arabes réside dans le retour au modèle des pieux ancêtres. Mais la pensée de Bannā’ introduit une rupture dans la tradition sunnite en faisant du pouvoir politique l'un des piliers de l'islam. Cette politisation nouvelle de l'islam a nourri depuis lors l'ensemble de la mouvance islamiste.

Les Frères musulmans entendent instaurer le règne de la Loi de Dieu (shari‘ā). Leur mot d'ordre fondamental : « Le Coran est notre Constitution », implique le recours aux rares notions politiques contenues dans le Livre. Ainsi le pouvoir exécutif sera-t-il confié à un calife émanant de la communauté (umma) qui devra prendre conseil (shura) auprès d'un certain nombre de ulamaet de notables. En matière économique, les Frères prônent l'interdiction de l'usure et le remplacement de l'impôt sur le revenu par l'aumône légale (zakat). Le puritanisme qu'ils revendiquent rejette la mixité, l'alcool et les jeux de hasard. Les Frères attachent du reste plus d'importance à la réforme morale de la société qu'à l'élaboration d'un véritable programme politique, comme si la seule vertu des hommes garantissait le fonctionnement harmonieux de la communauté.

Les cellules de l'Association se multiplient en Égypte, mais aussi au Soudan et dans l'ensemble du Proche-Orient, et le groupe se dote d'une branche militaire, l'Organisation secrète. La participation active des Frères à la guerre de Palestine en 1948 les investit d'une puissante légitimité nationaliste. Contempteurs d'une monarchie égyptienne corrompue et compromise avec l'occupant, ils passent à l'action violente en assassinant le Premier ministre Nuqrāshī en 1948, ce qui conduit à l'exécution de Bannā’ par le régime en 1949. En contact avec les Officiers libres, ils développent des thématiques voisines et recrutent dans les mêmes couches sociales, populaires et moyennes. Autant de raisons qui expliquent les luttes pour le partage du pouvoir qui opposent les Frères aux partisans de Gamal Abdel-Nasser, de 1952 jusqu'à la dissolution de l'Association en 1954. La répression reprend en 1965 et conduit à l'exécution de quelques leaders, dont Sayyid Qutb, l'idéologue d'un nouveau radicalisme et le père spirituel des activistes d'aujourd'hui.

Qutb théorise l'étape qui suit l'indépendance. Selon lui, les pouvoirs qui en sont issus ne seraient que l'expression d'une nouvelle barbarie préislamique qu'il faudrait combattre par le jihad, comme le Prophète l'avait fait contre les polythéistes mecquois. Qutb déplaçait ainsi la cible, de l'Occident colonisateur vers les gouvernements locaux, et proposait de restaurer la souveraineté divine en remplaçant la loi de l'homme sur l'homme par la Loi de Dieu sur l'homme.

Lors de son arrivée au pouvoir, en 1970, le président Anouar el-Sadate, soucieux de se démarquer de l'idéologie nassérienne, encourage la création sur les campus de sociétés islamiques (jam‘iyyat) qui conjuguent prosélytisme religieux et action sociale. Il cautionne aussi, en 1980, un amendement constitutionnel faisant de la shari‘āl'unique source de la législation égyptienne. Sa visite à Jérusalem en 1977, considérée comme une trahison, provoque toutefois une première rupture avec[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, Institut national des langues et civilisations orientales, Paris

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