FRESQUE
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Thèmes et rôles des fresques
Sous leur forme purement ornementale, les peintures murales ont servi à imiter des revêtements de marbre (comme dans le premier et le second style pompéien) aussi bien que des étoffes et des mosaïques. Dans l'Antiquité, les ornements qu'on peignait sur les murs alternaient souvent avec des scènes à personnages, des vues d'architecture ou des paysages en trompe l'œil dont le but avoué était d'élargir l'espace de la pièce où elles se trouvaient. Cette pratique se retrouve plus de mille ans plus tard à la fin de la Renaissance et à la période baroque en Italie (cf. les peintures de Véronèse à la villa Maser et le plafond de l'église San Ignazio à Rome par le frère Andrea Pozzo).
En dehors de leur emploi comme ornement, dans les demeures privées aussi bien que dans les édifices religieux, les peintures murales ont rempli une fonction didactique – non pas seulement comme substitut de la parole, mais aussi pour donner à des idées un caractère tangible, imposant et dramatique. Dans l'architecture chrétienne, il existait en gros deux formules picturales pour atteindre ce but. À Byzance, les schémas de composition, plus hiératiques que discursifs, vont dans un sens vertical, rayonnant du sommet vers le bas, suivant un plan central en croix grecque. Dans l'Occident latin, la basilique, avec ses grandes lignes horizontales, s'est avérée le lieu par excellence pour traiter des cycles narratifs à l'échelle monumentale. Dans ce dernier cas, l'organisation des scènes soulignait les véritables divisions de la structure de l'édifice. Dans le reste de l'Europe médiévale (France, Espagne, Angleterre, Allemagne et Autriche) les peintures murales ont été, pour autant qu'on puisse en juger d'après les vestiges, des reflets ou des variantes provinciales de la tradition latine ou de la tradition byzantine, ou même des deux. Le Pantocrator de Byzance, par exemple, a été le thème presque universellement adopté pour les peintures de l'abside et du chœur, de Constantinople à la Catalogne et de la Sicile aux îles Britanniques. Ces thèmes picturaux furent diffusés par les pèlerins et les croisés, les ordres monastiques et les manuscrits enluminés. En dehors de l'Italie, à quelques exceptions près, la composition des peintures murales a un caractère moins architectonique ; souvent, les scènes se déroulent sur des bandes ou des frises en ruban qui sont rarement articulées selon les divisions architectoniques.
Il ne reste que peu d'ensembles peints du début du Moyen Âge. Les plus beaux exemples italiens sont donnés par les peintures de Sant'Angelo in Formis, qui datent du xie siècle. On y trouve, pour l'essentiel, le programme des basiliques paléo-chrétiennes, avec des ornements italo-byzantins. Mais par le style de son décor, cette église ressemble à quelques-unes des miniatures de manuscrits provenant de l'abbaye bénédictine de Monte Cassino, toute proche ; et il est probable que des peintres de cette école ont réalisé les peintures murales de Sant'Angelo. Un autre exemple bénédictin nous est donné par les deux couches superposées de cycles narratifs peints dans l'église Saint-Jean à Mustair (Grisons, Suisse), et qui datent respectivement de l'époque carolingienne et des xiie et xiiie siècles. Une fois de plus, ces peintures reproduisent un prototype de la métropole latine. Cependant, les peintures du xie siècle de l'église bénédictine de Lambach, en Autriche, s'inspirent de modèles byzantins. Parmi les ensembles romans espagnols les plus importants se trouvent les peintures provenant de San Clemente et Santa Maria à Tahull, exécutées vers 1123 (elles ont été détachées et sont maintenant exposées au Museo de Arte de Cataluña à Barcelone). Elles montrent, mêlées à des éléments caractéristiques du schéma italo-byzantin de décoration d'abside, des scènes jaillies de l'imagination des peintres locaux.
En France, parmi les ensembles de peinture murale les plus complets, figurent ceux de la cathédrale Notre-Dame du Puy (Haute-Loire). Là aussi, on peut voir, dans une absidiole, des anges du xiiie siècle exécutés en style italo-byzantin. L'église abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe possède un cycle de l'Ancien Testament (fin xie-début xiie siècle) peint sur la voûte de la nef. En Angleterre, les œuvres les mieux conservées sont dans les cathédrales de Winchester (chapelle du Saint-Sépulcre) et de Canterbury (chapelle de Saint-Anselme, dans un déambulatoire) ; elles datent des xiie et xiiie siècles. Ces deux ensembles de peintures se rattachent par leur style aux illustrations de manuscrits. En fait, les peintures murales de Canterbury semblent avoir été conçues comme des miniatures agrandies.
Vers la fin du Moyen Âge, l'apparition de l'architecture gothique au nord des Alpes semble avoir favorisé l'évolution du vitrail et de la tapisserie, et l'élaboration de grands projets dans les arts de la sculpture plutôt que celle de grandes décorations murales peintes. C'est peut-être parce que le gothique ne s'est jamais fermement implanté en Italie et parce que la tradition latine classique était encore toute proche que l'art des peintures murales de grande envergure et de dimensions considérables a pu s'épanouir au sud des Alpes, en même temps qu'évoluait la technique elle-même. Les larges surfaces lisses des nefs et des chapelles italiennes, bien éclairées, convenaient mieux à la peinture monumentale que les intérieurs des cathédrales du Nord, relativement sombres et d'une structure plus complexe. Mais, alors que les noms de nombreux sculpteurs et enlumineurs gothiques du Nord sont connus, aucun muraliste de cette époque n'a atteint à une semblable célébrité.
En Italie cependant, avec les peintures murales de Cimabue et de Giotto, se développèrent de nouveaux thèmes tirant parti des particularités locales et apportant à l'iconographie sacrée une humanité et une puissance expressive nouvelles. À Sienne, Simone Martini et Ambrogio Lorenzetti ont donné une dimension héroïque dans leurs peintures murales à des paysages montrant des lieux réels et à des portraits représentant des personnalités de la région. Bien que les Florentins comme Giotto et Taddeo Gaddi aient fait des tentatives de trompe-l'œil, ce sont les Siennois du xive siècle qui, les premiers, se sont essayés à la perspective. Au cours du xve siècle, le goût pour ces procédés picturaux amena à une contradiction telle entre les peintures et leur support architectural réel, que les principaux architectes et théoriciens de l'époque n'admirent plus les peintures murales à l'intérieur des édifices. Elles furent donc alors le plus souvent reléguées sous les porches, dans les loggias ou les galeries de cloîtres. C'est pourquoi la plupart des grandes fresques au xve et au début du xvie siècle ont été exécutées sur des structures d'époques plus anciennes. Il existe quelques exceptions à l'époque maniériste, telles que le palais du Te de Jules Romain et la galerie François Ier à Fontainebleau. Mais il faut attendre la période baroque pour que l'ornementation picturale soit de nouveau alliée à l'architecture. Dans les églises baroques et rococo de Bavière particulièrement, le but recherché était de fondre architecture, sculpture et peinture dans un seul ensemble harmonieux ; il est atteint à l'Asam Kirche de Munich, à Ottobeuren et à Wies. Dans ces édifices et dans d'autres décorations de plafonds, la maîtrise de la perspective di sotto in sù représente une performance de virtuose. Parmi les œuvres de la même époque, on peut leur comparer dans le domaine du décor profane les fresques de Tiepolo à Venise et à Wurzburg.
Mais depuis le xviiie siècle, à de rares exceptions près, l'architecture dédaigne une fois de plus la peinture murale comme décor pictural. En Amérique latine, ces peintures continuent à assumer leur ancienne fonction didactique.
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Écrit par
- Ève BORSOOK : historien de l'art
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- ÉGYPTIENNE PEINTURE
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- ITALIENNE PEINTURE, XVe s.
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- MARTINI SIMONE (1284 env.-1344)
- LORENZETTI AMBROGIO (1290 env.-1348)
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