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FRIDA KAHLO / DIEGO RIVERA. L'ART EN FUSION (exposition)

Le corps souffrant

Jusque dans les années 1980, la peinture de Frida Kahlo était connue et appréciée d’un public restreint, dont faisaient partie André Breton, Marcel Duchamp, ou encore Pablo Picasso. L’artiste est par la suite devenue une véritable icône culturelle et son œuvre attire les foules. Pour l’exposition du musée de l’Orangerie, certaines œuvres majeures sont absentes. Malgré tout, l’ensemble reste très représentatif de son talent et a l’avantage de couvrir la quasi-totalité de sa carrière, sur une période qui va de 1926 à 1952.

L’Autoportrait à la robe de velours (1926), inspiré par les toiles du Bronzino, a été peint l’année qui suivit l’accident d’autobus qui allait la maintenir alitée et souffrante une grande partie de sa vie. Si on trouve déjà dans ce tableau le « monosourcil » en forme d’aile d’oiseau et le regard noir braqué sur le spectateur, autant de traits communs aux nombreux autoportraits qui suivront, la toile n’a pas la force et la fascination exercée par les deux tableaux portant le même titre, Autoportrait au singe (1938 et 1945), où Frida pose en compagnie d’animaux ou d’idoles précolombiennes, et encore moins l’admirable dépouillement deEn pensant à la mort (1943), où l’impassibilité apparente du modèle est traversée de pensées funestes.

L’exposition met également en scène une autre Frida, souffrante, fracassée, bloquée dans des corsets de plâtre, victime de fausses couches successives. « Elle a passé sa vie à mourir », disait d’elle son ami, le romancier Andrés Henestrosa. La Colonne brisée (1944) la montre en larmes (mais toujours impassible) et percée de clous, dans la posture d’un saint Sébastien ou d’un Christ à la colonne, le corps ouvert à la manière d’une planche anatomique, montrant une colonne ionique en voie de destruction en guise de colonne vertébrale, sur fond de paysage sinistrement crevassé. Des larmes encore dans Sans espoir (1945), où de la bouche de la patiente alitée surgit un magma sanguinolent et putride qui s’élève au-dessus d’elle et qui, en retombant, va bientôt l’engloutir. Hôpital Henry Ford(1932) conjugue réalisme et imaginaire, dans une alliance caractéristique du reste de son œuvre, qu’on trouve déjà dans Portrait de Luther Burbank (1931), réalisé pendant son séjour à San Francisco. Ce spécialiste des hybrides est représenté sous la forme d’un homme-arbre dont les racines atteignent un cadavre qui semble les alimenter, selon la tradition culturelle mexicaine qui veut que la vie se nourrisse de la mort.

— Claude FELL

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Média

Diego Rivera et Frida Kahlo - crédits : Bettmann/ Getty Images

Diego Rivera et Frida Kahlo