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KAHLO FRIDA (1907-1954)

L'affirmation de la « mexicanité »

Entre 1930 et 1933, Frida Kahlo fait de longs séjours aux États-Unis où Diego Rivera doit exécuter des fresques à San Francisco, Détroit et New York. Par la suite, elle y retourne plusieurs fois pour se faire soigner ou pour participer à des expositions. Elle y peint beaucoup, notamment le fameux Autoportrait sur la frontière du Mexique et des États-Unis (1932, collection privée), où elle figure, dans une robe rose virginale, une cigarette et le drapeau mexicain à la main, au confluent de deux civilisations : d'un côté le Mexique, ses ruines et ses icônes préhispaniques, ses fleurs et ses fruits, de l'autre les États-Unis, leurs cheminées d'usine siglées « FORD », leurs gratte-ciel et leur technologie. Avec Voilà ma robe suspendue ou New York (1933, collection privée), Frida Kahlo retrouve l'esprit frondeur des artistes du mouvement d'avant-garde stridentiste qu'elle fréquentait dans les classes préparatoires à l'université, sans partager leur enthousiasme pour le monde industriel moderne. Des photographies collées en bas du tableau montrent en effet des files interminables de chômeurs et des soldats partant au combat. Son portrait de l'horticulteur californien Luther Burbank (1931, Fondation Dolores Olmedo, Mexico), mélange de réalisme et de fantastique, d'imagination et d'humour, est un hymne à la régénération de la vie par la mort, suivant en cela une tradition très mexicaine.

Diego Rivera et Frida Kahlo - crédits : Bettmann/ Getty Images

Diego Rivera et Frida Kahlo

Outre son engagement politique, Frida trouve en effet dans ces voyages l'occasion de réaffirmer sa « mexicanité », très présente dans une technique picturale inspirée par les ex-votos, par le traitement d'une actualité souvent violente et sanglante comme chez le graveur José Guadalupe Posada, par les portraits réalisés au xixe siècle par Hermenegildo Bustos. Finalement, elle a su imposer son iconographie et son imaginaire personnels, que le contact avec les surréalistes lui a certainement permis d'approfondir et de renforcer. Cet imaginaire s'annonce déjà dans un tableau de 1938, Ce que l'eau m'a donné (Isidore Ducasse Fine Arts, New York), où transparaît également l'admiration que porte Frida à l'œuvre de Jérôme Bosch et de Bruegel. En 1945, elle peint Moïse ou le cœur de la création (collection privée), après la lecture du livre de Freud (L'Homme Moïse et la religion monothéiste, 1939), une façon pour elle de montrer « l'angoisse devant la vie et devant la mort ». Dans son journal où alternent textes et dessins, on retrouve cette dichotomie, assortie de cris de souffrance face à un corps qui la torture et d'intermittences d'espoir et de désespoir dans son amour pour Diego Rivera, dont elle divorcera en 1939, avant de se remarier avec lui en 1940. « Ce Journal, conclut Carlos Fuentes dans sa Préface du Journal de Frida Kahlo, est la tentative la plus extraordinaire de Frida de lier la souffrance de son corps à la gloire, à l'humour, à la fécondité et à l'extériorité du monde. »

L'intérêt porté à Frida Kahlo a atteint un point culminant avec la célébration, en 2007, du centenaire de sa naissance. À cette occasion, une imposante exposition au Palacio de Bellas Artes de Mexico a permis de regrouper une grande partie de ses tableaux, aquarelles, dessins et lithographies, ainsi que des documents concernant sa formation et son engagement politique, sans oublier les portraits qu'ont fait d'elle certains des plus grands photographes du xxe siècle. On y a vu, également, des objets, des dessins et des documents découverts en 2004, lorsqu'on a ouvert, dans la « Maison bleue », qui lui venait de sa famille et qu'elle avait fait réaménager de son vivant, deux pièces qui avaient été scellées sur ordre de Diego Rivera après la mort de celle qu'il avait épousée en 1929.[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Média

Frida Kahlo - crédits : Bettmann/ Getty Images

Frida Kahlo

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