SCHLEIERMACHER FRIEDRICH DANIEL ERNST (1768-1834)
Le théologien
Le grand dessein de Schleiermacher est de réconcilier la religion et la culture. L'essence de la religion est au-delà de tout dogmatisme et de tout moralisme. « La religion, déclare-t-il, est l'intuition de l'Univers, voilà le centre de mon discours . » La foi est moins affaire de pensée ou de volonté que sensibilité, intuition immédiate. Elle constitue une « province particulière de la sensibilité ». Elle naît et se développe lorsque la sensibilité de l'homme se trouve confrontée à l'infiniment Grand et Bien et qu'elle s'enflamme à cette vision. Seul cet élan vers l'Infini libère le sentiment et délivre les âmes des opinions particulières ; en effet, pour la religion, tout ce qui est se présente comme une authentique image de l'Infini. La religion a donc le caractère d'une intuition du Tout, qui engage l'homme à se défaire de ses visions particulières et restreintes, pour entrer dans une démarche qui le rapproche de plus en plus de l'Infini.
La révélation est un processus qui naît dans l'homme et qui le touche et le remue dans son être. Certes, il faut pour cela des circonstances extérieures, mais l'essentiel, qui se passe en l'homme, c'est le développement de sa piété. Les fondateurs et les « virtuoses de la religion » expriment dans leur prédication « le sentiment de dépendance absolue à l'égard de l'Univers », qui est la racine et le fondement de toute religion. Ce sentiment amène l'homme à la piété et à la vie dans la foi. La religion est le lien qui fonde l'humanité véritable, celle des croyants et celle de l'Église ; elle fait naître la communion ; l'unité et l'immortalité. L'origine du sentiment de dépendance absolue n'est nullement le sujet croyant, mais Dieu qui, dans cette intuition, se manifeste comme le centre et le fondement de l'existence humaine authentique.
Pour Schleiermacher, la spécificité du Christ n'est pas à rechercher dans une naissance miraculeuse : elle réside dans « l'intensité de sa conscience de Dieu » par laquelle il se distingue du reste de l'humanité. Ainsi, ce qui constitue le fondement de toute religion apparaît dans sa perfection dans la personne de Jésus-Christ. En lui, la présence de Dieu est telle que tout péché est exclu d'emblée. La personne du Christ est essentiellement constituée par la conscience qu'il a de sa mission rédemptrice. La rédemption des croyants se fait par l'affranchissement de leur conscience de Dieu engluée dans les réalités sensibles. Seule la communion avec le Christ permet la rédemption et la vie de l'Église. Une piété qui ne se rapporte pas au Christ n'est pas une piété chrétienne, car seule l'action du Christ produit la nouvelle naissance et la sanctification. Grâce à l'influence de celui-ci, la personnalité du croyant est renouvelée et mue par un principe nouveau.
Schleiermacher cherche à mettre en lumière la relation profonde qui existe entre Dieu, le monde et l'homme, relation qui se dévoile, se comprend et s'accomplit grâce à l'esprit. Dieu, le monde et l'homme ne se donnent en effet à la pensée que dans et que par l'esprit qui meut et qui illumine la raison. Cette découverte de la nature spirituelle de tout ce qui constitue la réalité permet à Schleiermacher d'affirmer que les dogmes « sont des manières d'exprimer par le langage des états religieux ». Une telle herméneutique interprète les affirmations doctrinales en fonction de leur plus ou moins grande fidélité à l'expérience religieuse fondamentale. Schleiermacher refuse de se borner à répéter les dogmes à la manière de l'orthodoxie pour rechercher, dans et derrière les paroles, ce que Dieu, Jésus-Christ ou la foi sont par essence. On a pu l'accuser d'être panthéiste,[...]
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Écrit par
- Jean-Louis KLEIN : professeur à la faculté de théologie de Strasbourg
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