ENGELS FRIEDRICH (1820-1895)
Le nom de Friedrich Engels est généralement associé à celui de Karl Marx dont il fut toute la vie l'ami et le collaborateur comme fondateur de la doctrine marxiste et comme dirigeant des luttes de la classe ouvrière au sein des deux premières Internationales.
Non seulement la vie bien que longue, active et même non dénuée d'épisodes héroïques, peut ici s'effacer tout entière devant l'œuvre théorique et politique, mais celle-ci est, pour l'essentiel, inséparable d'un travail collectif. Insistant sur ce point dans l'article qu'il rédigea, en 1896, pour le Rabotnik, Lénine comparait l'amitié de Marx et d'Engels à celles que rapportent les légendes antiques. Il n'y aurait là qu'un attendrissement oiseux si cette amitié n'avait été la forme dans laquelle ils vécurent un commun dévouement à la cause historique du prolétariat, d'où procédèrent un style de travail théorique et un mode de production intellectuelle profondément inédits, à la mesure du caractère révolutionnaire de leur science.
L'important n'est donc pas tant d'attribuer à Engels une « originalité » personnelle qu'il a explicitement refusée, non plus évidemment que de la lui contester pour rendre à Marx ce qui serait « purement sien », en opérant en fait dans le marxisme une sélection mécanique ; il convient de montrer, à propos des interventions d'Engels, le lieu d'une série de problèmes philosophiques, scientifiques et politiques restés en bonne partie ouverts, voire contradictoires, mais essentiels à la constitution d'un matérialisme historique comme problématique d'ensemble.
Le jeune révolutionnaire
Engels naquit à Barmen, en Rhénanie, dans une famille d'industriels filateurs qui étaient installés également à Manchester, en Angleterre. Pendant sa jeunesse, il étudia notamment la philosophie et fut membre actif de cercles « hégéliens de gauche » qui, « à l'aide d'armes philosophiques », menaient la lutte démocratique pour la « destruction de la religion traditionnelle et de l'État existant », celui de la réaction féodale prussienne. En 1842, il fut une première fois, à Manchester, l'employé de la maison Ermen et Engels, et put mener une enquête approfondie sur le développement du capitalisme en Angleterre, sur la situation du prolétariat industriel anglais et ses tendances politiques. En même temps, il entra en relations avec des militants du mouvement ouvrier anglais et, d'intellectuel démocrate radical, commença ainsi de se transformer en révolutionnaire socialiste.
Dans La Situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845), Engels définit le concept de « révolution industrielle », montre que le développement du capitalisme anglais est un système dont l'exploitation et la misère du prolétariat font partie. Aussi le problème historique posé n'est-il pas d'atténuer cette exploitation en secourant la misère du prolétariat. Inversement, le prolétariat n'est pas seulement une classe qui souffre, mais une classe qui, inévitablement, entre dans une lutte politique inconciliable avec le système social de production existant. Il ne doit attendre sa libération que de lui-même ; mais, dans cette lutte, il tend à la suppression des antagonismes de classe eux-mêmes, et il est donc le représentant de l'humanité tout entière, il réalise dans la pratique ce que la philosophie allemande n'avait su concevoir qu'en idée.
Engels rencontra Marx à Paris en 1844. Entre 1845 et 1847, ils acquirent un rôle important dans les organisations ouvrières, parfois secrètes, qui travaillaient à Paris et à Bruxelles. Ils rédigèrent, pour le congrès de la Ligue des communistes, le Manifeste du Parti communiste, publié en 1848. Pendant la révolution de 1848, Engels prit part à l'insurrection armée[...]
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Écrit par
- Étienne BALIBAR : philosophe, professeur à l'université de Paris-I
- Pierre MACHEREY : maître assistant à l'université de Paris-I
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