KLOPSTOCK FRIEDRICH GOTTLIEB (1724-1803)
Le chantre de Dieu
Il peut aujourd'hui sembler surprenant que ce soit à Der Messias, à cette longue épopée en vingt chants et plus de vingt mille vers que Klopstock doive sa gloire. C'est oublier que La Messiade fut publiée par fragments échelonnés sur une période de vingt-cinq ans (de 1748 à 1773) et aussi que la formation religieuse, voire théologique, du public de l'époque était telle, que le personnage d'Abbadona, l'ange déchu mais repentant qui apparaît dès 1748, devait déchaîner une véritable polémique. Fallait-il ou non sauver Abbadona ? Sagement Klopstock laissa sans solution jusqu'au dernier chant ce qui était en fait la seule inconnue dans ce long poème en hexamètres qui chante la vie et la passion du Christ et qui se veut un pendant du Paradis perdu de Milton. On a reproché avec raison au Messias d'être une œuvre statique et à ses personnages d'être de purs esprits plutôt que des créatures de chair et de sang. Il est juste aussi de dire que Klopstock, qui avait commencé dans un registre élevé, n'a réussi à maintenir le ton qu'en forçant quelque peu les effets oratoires. Les grandes odes religieuses que l'écrivain composa après la mort en 1758 de son épouse, Meta Moller, ont le même souffle que le Messias, sans être exposées aux mêmes dangers : Dem Allgegenwärtigen (Au Dieu omniprésent), Das Anschauung Gottes (La Contemplation de Dieu), Die Frühlingsfeier (L'Ode au printemps), Der Erbarmer (Dieu de miséricorde). Tous ces textes abordent les thèmes religieux habituels, doute et certitude, faute et repentir ; l'accent mis dans le Messias sur l'humanité du Christ révèle des influences piétistes, tandis que d'autres passages, du Messias ou des Oden, apportent une solution originale, souvent inspirée de Leibniz, à des problèmes plus purement théologiques : existence du mal, liberté de l'homme, préexistence de l'âme, peines éternelles et rétablissement final.
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Écrit par
- Jean MURAT : professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
-
ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures
- Écrit par Nicole BARY , Claude DAVID , Claude LECOUTEUX , Étienne MAZINGUE et Claude PORCELL
- 24 585 mots
- 33 médias
...genres à la fois, de la comédie au drame sentimental, de la critique théâtrale à la polémique religieuse, il incarne l'esprit des Lumières. L'autre, Klopstock (1724-1803), restitue d'un coup à la poésie les hautes ambitions qu'elle semblait avoir oubliées. Émule de Milton, il écrit sa ...