Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GULDA FRIEDRICH (1930-2000)

Inclassable : l'Autrichien Friedrich Gulda fut tout à la fois un des pianistes classiques qui marquèrent durablement l'après-guerre, un passionné de jazz qui pratiqua cette musique en professionnel accompli et un des derniers maîtres de l'improvisation. Inclassable et provocateur : pur produit de la grande tradition viennoise, Gulda ne cessera de défier le conservatisme esthétique et l'hypocrisie morale de la bourgeoisie autrichienne ; avec lui, la sacro-sainte cérémonie du concert se verra contestée par des programmes qui s'évadaient au dernier moment vers les horizons les plus improbables, par un jeu parfois volontairement iconoclaste et par un comportement à la limite de l'agression. Renoncer en 1970 à l'anneau du bicentenaire de Beethoven que lui avait décerné l'Académie de musique de Vienne, se présenter avec sa compagne devant les caméras de la télévision, tous deux entièrement nus, pour interpréter L'Amour et la vie d'une femme de Robert Schumann relevaient d'une volonté délibérée de scandaliser et de l'affirmation d'une liberté personnelle qui n'accepte aucune limite. Le parcours chaotique de ce grand maître a suscité toute la gamme des réactions passionnées, du rejet absolu à l'adulation sans réserve.

Friedrich Gulda naît à Vienne le 16 mai 1930. Il étudie le piano au conservatoire Grossmann de sa ville natale puis, en privé, avec Felix Pazofski. Dès 1941, il est admis dans la classe de Bruno Seidlhofer à l'Académie de musique de Vienne, où Joseph Marx lui enseigne la théorie et la composition. Ses débuts au concert datent de 1944. En 1946, il remporte, à seize ans, le prestigieux Concours international d'exécution musicale de Genève. Sa carrière est lancée. Il triomphe au Carnegie Hall de New York en 1950. Tout en conservant de profondes racines dans son terroir natal – sous le pseudonyme d'Albert Golowin, il chante en dialecte viennois –, il mène la vie habituelle des grands virtuoses jusqu'au début des années 1960. Il acquiert la notoriété en interprétant Mozart, dont il respecte les indications avec le plus grand scrupule et compose pour ses concertos pour piano d'admirables cadences. Il joue et enregistre avec les plus grands chefs et fonde l'Orchestre classique Gulda de la Symphonie viennoise, dédié à la musique de chambre. C'est l'époque où il jette des jalons discographiques essentiels – le Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach, une intégrale des 32 sonates pour piano de Beethoven, les Préludes de Debussy –, qui, par l'intelligence du regard, la fermeté de la construction et la liberté de respiration, font encore figure de référence. Fascinée, Martha Argerich vient travailler avec lui ; elle sera sa seule élève.

En 1962, Friedrich Gulda renonce de manière définitive aux tournées et aux concerts traditionnels pour se livrer à la composition et donne au jazz une place grandissante dans sa vie personnelle. Depuis très longtemps déjà ses « dieux » s'appellent Art Tatum, Willie « The Lion » Smith et Cecil Taylor. Le swing est de longue date l'univers familier d'un pianiste de moins en moins « classique », qui s'adonne depuis 1955 à sa passion au sein de l'Austria All Stars. Il se produit en 1956 au Birdland de New York en compagnie de Phil Woods, Jimmy Cleveland et Seldon Powell et apparaît au festival de Newport. En 1960, il participe à la création d'un big band, l'Eurojazz Orchester, qui comptera Phil Woods, Herb Geller, Ron Carter et Mel Lewis parmi ses membres. Il joue du saxophone baryton dans le Vienna Jazz Workshop (1961), écrit pour Freddie Hubbard et Jay Jay Johnson, s'initie à la flûte et fonde à Vienne un concours international de jazz. Il effectue en Amérique latine une tournée où il alterne récitals classiques et soirées de jazz[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • ZAWINUL JOSEF JOE (1932-2007)

    • Écrit par
    • 1 137 mots

    Né au confluent des multiples cultures qui irriguent l'Europe centrale, Josef Zawinul fait partie de ces musiciens qui refusent les frontières, qu'elles soient esthétiques ou instrumentales. Il a exercé une influence décisive sur l'évolution des couleurs sonores de notre temps en réalisant une délicate...