MEINECKE FRIEDRICH (1862-1954)
« La catastrophe allemande »
Alors âgé de 84 ans, Friedrich Meinecke se livre, dans cet ouvrage, à des « considérations » et des « souvenirs » – comme le dit le sous-titre allemand – sur les douze années du régime nazi. Son auteur n’attribue pas de caractère scientifique à ce petit livre. Largement commenté, aussi bien en Allemagne qu’à l’étranger, cet essai politique devient l’une des premières références de ce qu’on appellera la Vergangenheitsbewältigungallemande (« la nécessité de maîtriser le passé »). Si certains historiens relèvent l’interprétation large que l’on peut faire de ce texte, ce qui explique sa bonne réception par des courants idéologiques divergents, l’historien allemand Nicolas Berg, qui a proposé une analyse approfondie de La Catastrophe allemande dans son étude consacrée aux historiens allemands face à l’Holocauste, rappelle l’importance du titre pour comprendre la vision de Meinecke. La « catastrophe allemande » renvoie à la passivité des Allemands, mais aussi au caractère allemand de ce désastre : le nazisme apparaît comme une trahison des valeurs allemandes, ce qui implique aussi qu’il n’y a que peu de place pour des victimes autres qu’allemandes. Par ailleurs, Meinecke fait partie de ceux qui critiquent le militarisme prussien, qui aurait ouvert le chemin vers la catastrophe bien avant 1933. Et pour sortir de cette catastrophe, l’auteur prône un retour à l’âge classique allemand, en faisant surtout référence à Goethe. D’ailleurs, cet appel a souvent été critiqué voire moqué dans la mesure où il peut sembler refléter l’incapacité d’une bourgeoisie intellectuelle allemande à affronter le passé nazi.
L’interprétation du rôle de Meinecke dans la science historique allemande a souvent changé. En 1951, l’Université libre de Berlin baptise du nom de l’historien son Institut d’histoire. Meinecke en prend alors la direction. Toutefois, après sa mort, en 1954, son influence intellectuelle diminue sensiblement. Alors que certains voient en lui le représentant des historiens les plus réactionnaires, d’autres lui attribuent une influence indirecte sur le renouveau d’une histoire intellectuelle aux États-Unis, où certains de ses élèves ont dû émigrer. Dans les grands débats autour de l’attitude des historiens allemands durant le régime nazi, le rôle de Meinecke est considéré de façon plutôt positive. La question centrale est de savoir si la pensée politique de Meinecke se caractérise par une flexibilité alors peu répandue chez les historiens allemands ou par une continuité d’idées libérales.
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Écrit par
- Christoph BRÜLL : chercheur qualifié FRS-FNRS, maître de conférences à l'université de Liège (Belgique)
Classification
Média
Autres références
-
HISTORICISME
- Écrit par Gunter SCHOLTZ
- 1 156 mots
...consensus concernant l'usage du concept dans trois contextes, sans qu'on puisse parler de définitions disciplinaires strictes : a. En historiographie, le terme désigne, depuis Friedrich Meinecke, les recherches historiques qui se sont développées au cours du xixe siècle et qui se concentrent sur l'individualité...