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SCHILLER FRIEDRICH VON (1759-1805)

L'art, chemin de la liberté

Au terme des études historiques et philosophiques auxquelles, depuis l'achèvement de Don Carlos, il a sacrifié la poésie (1787-1793), Schiller définit, dans La Grâce et la Dignité (Über Anmut und Würde, 1793), son esthétique nouvelle, selon laquelle la beauté est le reflet, dans le monde sensible, de la liberté : Freiheit in der Erscheinung. Puis, dans les Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme (Briefe über die ästhetische Erziehung des Menschen, 1793-1795), il aborde la morale et la politique, en partant de la Révolution française, qui, selon lui, se solde par un échec : la liberté ne peut pas s'épanouir dans une humanité divisée et artificielle où s'affrontent l'instinct et la raison ; le plaisir esthétique seul peut réconcilier l'esprit et les sens et donner naissance à une société d'êtres harmonieux, aptes à vivre sans contrainte intérieure ou extérieure. Les artistes sont les meilleurs artisans du progrès politique, comme de tout progrès (cf. le poème Les Artistes). On s'est mépris en accusant Schiller d'évasion hors du réel, de refus d'agir. Il croyait sincèrement contribuer par la poésie à l'avènement d'un monde meilleur – que ses héros, Jeanne d'Arc et Guillaume Tell, nous invitent à espérer.

Dans Poésie naïve et poésie sentimentale (Über naive und sentimentalische Dichtung, 1795), Schiller précise ce que peut être la poésie dans le monde moderne et apporte un complément à ses thèses psychologiques en définissant deux types humains : le réaliste et l'idéaliste. Il se définit du même coup par rapport à Goethe (poète « naïf »), qui devient son allié et ami, avec lequel il entreprend d'œuvrer au service de l'art et de la culture. Il s'agit d'abord de purifier le goût : avec Goethe il lance contre la mode l'offensive des Xénies (épigrammes) ; ils s'insurgent contre la sensiblerie, le plat réalisme, le dilettantisme, tout ce qui se satisfait de la médiocrité.

Schiller avait un autre ennemi, la maladie (pulmonaire) qui, depuis 1791, mettait ses jours en danger. C'est en luttant contre elle qu'il a composé ses œuvres les plus achevées : poèmes philosophiques, comme La Promenade (Der Spaziergang), L'Idéal et la Vie (Das Ideal und das Leben), Les Dons de Fortune (Das Glück), Le Chant de la cloche (Das Lied von der Glocke), ballades, telles que Les Grues d'Ibykus (Die Kraniche des Ibykus), La Caution (Die Bürgschaft), etc., drames surtout : la trilogie de Wallenstein (1799), où l'on voit un chef prestigieux – « réaliste » – traître à son souverain, vaincu par les forces de la tradition, servies elles-mêmes par une félonie ; Marie Stuart (1800), le destin de la reine déchue, grandie par sa constance dans la prison et la mort ; La Pucelle d'Orléans (Die Jungfrau von Orleans, 1801), l'appel de Jeanne, ses victoires, puis (sans rapport avec l'histoire) sa faute, son expiation, sa mort glorieuse au combat, Schiller a qualifié cette pièce de tragédie romantique ; La Fiancée de Messine (Die Braut von Messina, 1803), tragédie analytique, dont l'action est l'accomplissement d'un oracle ambigu : l'amour de Béatrice, qui devait unir les frères ennemis, les unit dans la mort ; Wilhelm Tell (1804) drame et épopée à la fois, célébrant la libération de la Suisse et glorifiant son héros ; enfin l'ébauche grandiose de Demetrius, que vint interrompre la mort du poète à Weimar, le 9 mai 1805.

La philosophie de Schiller est passée dans ses œuvres. Est-ce à dire que drames et ballades soient à leur manière des poèmes philosophiques ? Question controversée. Il semble prudent de ne pas chercher un symbolisme intégral ou un enseignement moral particulier dans chaque pièce ou chaque ballade. Il suffit qu'on y rencontre[...]

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Écrit par

  • : agrégé d'allemand, docteur de l'université de Metz, maître assistant honoraire

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Schiller - crédits : Culture Club/ Getty Images

Schiller

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