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SCHLEGEL FRIEDRICH VON (1772-1829)

Les recherches philologiques

L'essai Sur la langue et la philosophie des Indiens (Über die Sprache und Weisheit der Inder), paru en 1808, est un livre curieux dans lequel Schlegel a mêlé philosophie et théorie du langage. Il avait eu l'occasion d'étudier le sanskrit lors de son séjour à Paris en 1803 et il n'était pas véritablement un néophyte. Ce livre montre le micrologue érudit, le collectionneur et le linguiste que Schlegel était devenu. Trois grands points doivent être relevés dans cet ouvrage. Il y a d'abord une donnée de fait. Ce livre qui marque le tournant dans la pensée de Schlegel, devenu catholique (1808), fut un de ceux auxquels on doit l'introduction de la pensée orientale dans la pensée occidentale. C'est à partir de cet ouvrage qu'il faut expliquer l'attirance vers la pensée orientale ressentie par Schelling, puis avec beaucoup plus d'éclat par Schopenhauer et Nietzsche. En deuxième lieu, Schlegel affirme que la langue indienne est plus ancienne que la langue grecque ou romaine, et il montre comment cette langue est liée à des habitudes et à des formes de pensée qui n'ont pas plus évolué que la langue elle-même. La langue indienne est philosophiquement supérieure à toutes les langues, la langue grecque comprise. Il ne s'agit pas d'un jeu de combinaisons d'abstraction arbitraires, mais d'un système cohérent en lequel les expressions sacrées et les mots s'éclairent réciproquement. En troisième lieu Schlegel s'élève contre la séparation dans l'étude, et par conséquent aussi dans l'esprit, de la langue grecque et de la langue indienne. À ses yeux l'histoire des peuples d'Asie et d'Europe forme un tout, « une grande famille », et il en va de même pour les langues et la littérature. Schlegel donnait ainsi une grande impulsion à la philosophie philologique. On peut remarquer en outre que, dans ce livre, Schlegel dénonçait le « panthéisme raffiné » de Schelling, et il continua de le faire dans les leçons données en 1812 à Vienne sur l'Histoire de la littérature des Anciens et des Modernes (Geschichte der alten und neuen Literatur, 1815). Le patriotisme, un sens de l'histoire conservateur, un développement de la foi chrétienne et catholique inspirent les dernières œuvres de Schlegel qui s'est fixé à Vienne. Il a rédigé une Philosophie de la vie (Philosophie des Lebens, 1828) une Philosophie de l'histoire (Philosophie der Geschichte, 1829), et enfin, la même année, des Leçons philosophiques, particulièrement sur la philosophie de la langue et du mot. Il n'avait pas renoncé à son activité de critique et il travailla dans la revue Concordia jusqu'en 1823. Cette seconde partie de l'œuvre de Schlegel n'a pas eu un grand retentissement, et la question se pose de savoir si, après le tournant de 1808, qui l'a mené à défendre la Restauration et le catholicisme et à reprendre tous les aspects du romantisme, une certaine lassitude ne l'a pas envahi. Quoi qu'il en soit, le regard des historiens s'est toujours plus attardé sur le jeune Schlegel, ou même sur le Schlegel philosophant sur la langue indienne, et introduisant une nouvelle et importante dimension dans la pensée philosophique allemande.

— Alexis PHILONENKO

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