FROID, physique
L'idée commune de froid est attachée à des conditions climatiques polaires ou hivernales et, dans ce sens, elle prend un caractère absolu : « il fait froid ». Mais, pour l'industriel ou le physicien, le froid est relatif, et de l'eau bouillante est beaucoup plus froide qu'un morceau de fer porté au rouge. On ne crée pas du froid, on crée seulement du « plus froid que quelque chose ». Cette course est sans fin et, même si beaucoup de progrès ont été réalisés ces dernières années, on sait que, tout comme la flèche de Zénon d'Élée qui ne peut atteindre sa cible, le froid absolu (— 273,15 0C) est inaccessible. La cryogénie regroupe, quant à elle, les diverses techniques de production du froid.
Histoire de l'obtention des grands froids
La maîtrise du froid par l'homme est un événement récent. Depuis des millénaires, il savait utiliser le froid qu'offre la nature, en stockant dans des grottes ou des glacières de la glace prélevée en hiver pour l'utiliser plus tard. On savait également depuis longtemps que l'ajout de sel ou de salpêtre abaisse la température de la glace et permet la préparation de sorbets refroidis dans ce mélange réfrigérant. Ce n'est cependant qu'au cours du xixe siècle qu'une réelle technique de production du froid a été découverte : la détente brusque d'un gaz comprimé s'accompagne d'un abaissement de température. On peut ainsi refroidir un autre gaz déjà comprimé, ce qui peut permettre de le liquéfier. Le but recherché ne fut pendant longtemps que la liquéfaction des gaz, à des températures de plus en plus basses. Cette course débuta en 1823 avec la liquéfaction du chlore par Michael Faraday ; en 1877, l'oxygène fut liquéfié simultanément à Paris et à Genève, puis l'hydrogène en Pologne, enfin l'hélium en 1908 à Leyde, aux Pays-Bas, par Heike Kamerlingh Onnes. En moins d'un siècle, tous les gaz connus avaient été liquéfiés, et on avait atteint des températures inférieures à — 271 0C.
L'échelle de température Celsius, ou centigrade, qui va de 0 degré pour la glace fondante à 100 degrés pour l'eau bouillante à pression atmosphérique normale, est pratique pour la vie courante ; elle devient à la fois incommode et injustifiée dès que les températures deviennent très inférieures à celles qui concernent la vie quotidienne. Les physiciens préfèrent utiliser ce qu'ils appellent l'échelle « absolue », dont les unités sont identiques aux degrés Celsius, mais dont l'origine est décalée vers le bas de 273,15 unités. Ces unités portent le nom de kelvin (K) et, dans cette échelle absolue, la glace fond à 273,15 K et l'eau bout à 373,15 K. Le zéro de cette échelle représente l'origine absolue des températures. Aucune température inférieure n'est envisageable, elle-même ne pourra jamais qu'être approchée de plus en plus, mais jamais atteinte.
Depuis le début du xxe siècle, il existe une véritable physique du froid et des propriétés de la matière aux basses températures, et pendant trente ans la ville de Leyde en a eu le quasi-monopole. C'est peu avant la Seconde Guerre mondiale qu'une nouvelle méthode de refroidissement, radicalement différente des précédentes, fut inventée à Oxford, en Grande-Bretagne : la « désaimantation adiabatique », qui permet d'atteindre des températures de l'ordre du millième de kelvin, mais seulement sur des systèmes limités. De telles températures peuvent être couramment atteintes aujourd'hui grâce à d'autres techniques, et des méthodes optiques, utilisant des lasers, permettent de refroidir des atomes isolés à des températures de l'ordre du millionième de kelvin.
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Écrit par
- Jean MATRICON : professeur de physique émérite à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Georges WAYSAND : directeur de recherche au C.N.R.S.
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