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FRONT POPULAIRE

L'expérience Blum (juin 1936-juin 1937)

Avant son arrivée au pouvoir, Léon Blum a tenu à définir la nature du gouvernement qu'il entend conduire, face aux exigences de l'aile révolutionnaire de son parti, dirigée par Marceau Pivert qui, dans un retentissant article du Populaire publié le 27 mai 1936 et intitulé « Tout est possible », préconisait de transformer l'exercice du pouvoir en conquête révolutionnaire du pouvoir pour fonder la société socialiste sur la base de la propriété collective. Telle n'est pas l'intention de Léon Blum. Constatant que le suffrage universel n'a donné de majorité absolue ni aux socialistes ni aux « partis prolétariens » (socialiste et communiste), il en déduit que la mission qui lui a été confiée se résume au triptyque du Front populaire (« le pain, la paix, la liberté ») et, par conséquent, son objectif sera de mener non pas une expérience socialiste, mais une politique sociale dans le cadre du capitalisme libéral en place, de l'économie de marché et de la propriété individuelle. Les communistes ayant refusé de participer au gouvernement pour ne pas effrayer l'opinion publique et ayant promis leur soutien parlementaire, Blum constitue un gouvernement de socialistes et de radicaux. Les premiers se voient confier, pour l'essentiel, les ministères économiques et sociaux, et les seconds la plupart des portefeuilles régaliens (Affaires étrangères, Défense nationale, Justice...). Léon Blum s'apprête à mener la politique qu'il a longuement définie au cours des années antérieures. Pour lutter contre la crise, qu'il analyse comme un phénomène de sous-consommation, il préconise la fin de la déflation et une reflation reposant sur l'augmentation du pouvoir d'achat des masses ; pour combattre le chômage, il envisage un partage du travail par la diminution de la durée hebdomadaire du travail et l'octroi de congés payés ; afin de maintenir la paix, il fait confiance à la Société des nations et aux pratiques de sécurité collective fondées sur la conciliation et l'arbitrage ; enfin, la défense de la liberté doit être assurée par la dissolution des ligues qui entretiennent l'agitation.

Usine occupée en 1936 - crédits : AKG-images

Usine occupée en 1936

Toutefois, la mise en œuvre du programme du Rassemblement populaire ne pourra être opérée dans le calme et la sérénité souhaités par le président du Conseil. La conjoncture va le contraindre à agir en permanence dans l'urgence et la tension. Lorsque Léon Blum arrive au pouvoir, une vague de grèves de deux millions de salariés avec occupations d'usines, d'ateliers, de magasins, de fermes paralyse le pays. À la demande du chef de l'État, du patronat et des syndicats, Blum doit, dans la précipitation, prendre des mesures pour désamorcer la crise qui risque de déborder le gouvernement. Dès le 7 juin 1936, les accords Matignon, signés entre la Confédération générale du travail (C.G.T.) et le patronat sous l'arbitrage du gouvernement, proposent une augmentation moyenne de 12 p. 100 des salaires, la signature de conventions collectives, l'élection de délégués du personnel dans les entreprises et reconnaissent aux ouvriers l'exercice du droit syndical en échange de la fin des grèves et des occupations. Ces mesures sont complétées par deux lois votées durant l'été, l'une accordant aux salariés deux semaines de congés payés, l'autre limitant à quarante heures la durée légale hebdomadaire du travail. Il s'agissait de lutter contre le chômage et de procurer aux ouvriers repos et loisirs. L'été de 1936 voit également l'adoption des grandes réformes prévues par le programme du Front populaire : la création de l'Office du blé, chargé d'acheter le blé à un prix garanti par l'État et de le stocker avant de le commercialiser ; la réforme de la Banque de France, qui donne le droit de[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

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Média

Usine occupée en 1936 - crédits : AKG-images

Usine occupée en 1936

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