FRONTIÈRE
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Debordering et rebordering, le paradoxe contemporain des frontières
Les asymétries frontalières créent des situations d’interface plus ou moins poreuses, plus ou moins ouvertes à la circulation et aux échanges. Les régimes frontaliers sont variables dans l’espace, mais aussi dans le temps. Ils s’inscrivent dans des dynamiques de « défrontiérisation »(debordering) ou de « refrontiérisation » (rebordering), selon que les fonctions frontalières sont renforcées ou affaiblies par les États.
Intégration régionale et coopération transfrontalière
La « défrontiérisation » procède d’une dévaluation des fonctions frontalières, qui s’opère par étapes, dans le but de favoriser l’intégration régionale et/ou la coopération transfrontalière. L’intégration régionale désigne un processus de regroupement des États en communautés économiques de niveau régional selon des modalités d’intégration plus ou moins poussées : accords de libre-échange (tel l’accord États-Unis–Mexique-Canada négocié en 2018 sous le leadership des États-Unis pour moderniser l’ALENA), unions douanières (comme l’Union douanière d’Afrique australe établie en 1910 ou le Mercosur ou Marché commun du Sud signé en 1991 par quatre pays d’Amérique du Sud), accord de libre circulation des biens et des personnes, unions économique et/ou monétaire (l’Union européenne constituant la communauté d’États la plus intégrée sur le plan économique et politique).
Tramway transfrontalier entre Strasbourg et Kehl
Jérôme Dorkel/ Eurométropole Strasbourg
La coopération transfrontalière est quant à elle surtout centrée sur un ou plusieurs projets sectoriels visant à réduire l’effet de barrière des frontières et à tirer parti des différentiels économiques, sociaux ou culturels. La concrétisation des projets suppose une gouvernance transfrontalière ou une articulation institutionnelle permettant le pilotage et la coordination de l’action publique de coopération, qui reste cependant localisée à l’aire d’application du projet et non à l’ensemble du territoire national. Ainsi la convention franco-suisse de 1949 institue un établissement public interétatique permettant l’exploitation de l’Euro-Airport de Bâle-Mulhouse. Plus générales, des conventions bilatérales régulent le marché du travail en matière fiscale et de sécurité sociale pour les travailleurs transfrontaliers entre la France et les pays limitrophes. Les projets sont variés, ils concernent le développement économique, la gestion de l’environnement et en particulier la mobilité, dans le but de réduire la discontinuité des réseaux de transport, comme le projet des Deux-Rives, qui prolonge le tramway de Strasbourg vers Kehl, piloté par l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau, un groupement européen de coopération territoriale (GECT). Cet outil juridique, créé en 2006, constitue la forme la plus intégrée de gouvernance transfrontalière au sein de l’Union européenne (UE). Il permet de mobiliser les financements des programmes européens de la politique de cohésion, comme le programme de coopération transfrontalière Interreg, appliqué depuis 1991.
Nouvelles configurations frontalières dans la mondialisation
La « défrontiérisation » entraîne donc une modification du régime frontalier, mais s’accompagne paradoxalement, dans le contexte contemporain de la mondialisation, d’une « refrontiérisation » qui se traduit par le renforcement des procédures de sécurisation et de contrôle des flux. Cette dynamique duale transforme les configurations frontalières. Tout d’abord, les frontières deviennent plus denses avec le renforcement des barrières physiques et la multiplication des espaces de transit et des dispositifs de gestion des données biométriques qui sélectionnent les flux migratoires (smart borders ou frontières intelligentes). Ensuite, les zones de contrôle sont en partie délocalisées dans des aéroports, des barrages routiers, des sites d’enfermement[...]
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Écrit par
- Guillaume LACQUEMENT : professeur de géographie, enseignant-chercheur, université de Perpignan Via Domitia
Classification
Médias
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