FU [FOU], genre littéraire chinois
Le fu est un genre littéraire original dans la littérature chinoise, dont il est difficile de dire s'il se rattache, selon nos catégories occidentales, à la poésie ou à la prose. L'histoire du fu montre en fait que, malgré le traditionalisme de l'écrivain chinois, l'esprit a su finalement dominer les formes reçues du passé et transformer les règles d'un genre littéraire.
Les antécédents
Le terme de fu a, dans la langue chinoise ancienne, des significations très diverses qu'il importe de définir pour comprendre quel genre littéraire il désigne. Les sens primitifs, voisins les uns des autres, sont : « recueillir », « prendre », « fixer un impôt », « impôt », « corvée ». Mais, peut-être par confusion avec un mot quasi homophone, le terme a aussi dès l'Antiquité signifié « distribuer », « donner », « faire connaître ». Ce peut être aussi bien à partir de ce dernier sens qu'en relation avec celui de « prestation d'un inférieur à un supérieur » que l'on a, comme premier emploi littéraire du mot, le sens de « déclamer » une poésie. Ces déclamations étaient, dans les anciens temps, le fait de jongleurs, de baladins qui déployaient leurs talents devant le seigneur et ses hôtes. Lié à l'idée de « faire connaître », « publier », fu a désigné, peut-être assez tard, à la fois un procédé poétique, celui de l'exposition, et un genre littéraire, à savoir un exposé (description ou récit) écrit pour être déclamé, dont on traitera ici. On l'a traduit par « récitatif », mais il nous paraît intraduisible : aussi maintiendra-t-on le terme de fu.
Quelles sont les origines de ce genre littéraire ? Bien que ce soit par une classification tardive que les Paroles de Chu ( Chu ci) ont été considérées comme des fu, il est incontestable que ces poèmes, avec leur richesse de vocabulaire et leur prosodie particulière, plus faite pour la déclamation que pour le chant, sont les précurseurs des fu. Cependant, les fu sont plus directement liés aux divertissements des cours seigneuriales à la fin de la période féodale (du ve au iiie s. av. J.-C.). Ceux-ci consistaient en récits allégoriques, apologues, énigmes, etc., présentés par des nains ou des bouffons, dans le dessein non seulement de divertir les grands mais aussi de leur donner des leçons de morale. Dans ces mêmes cours, on entendait les conseillers des princes rivaliser dans des sortes de joutes oratoires, où chacun s'efforçait de l'emporter par son éloquence et la recherche de son style. À côté de ces discours où la cadence de la phrase retrouve souvent un rythme proche de la poésie, de courtes pièces mêlent aux passages en prose, qui situent les personnages et introduisent leurs propos, des passages rythmés et rimés où s'exprime l'essentiel du message de l'auteur et dont la prosodie est semblable à celle des Paroles de Chu.
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Écrit par
- Yves HERVOUET : professeur à l'université de Paris-VII, directeur de l'Institut des hautes études chinoises au Collège de France
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