FU [FOU], genre littéraire chinois
Le fu des Han
Tels sont les antécédents de ce genre littéraire qui apparaît sous le nom de fu avec la dynastie des Han (206 av.-220 apr. J.-C.). Le caractère de poésie de cour, avec les effets de vocabulaire et de style qui lui sont propres, est l'élément commun de ces divers antécédents. Des premiers fu des Han, on ne possède que le titre : il est probable qu'ils devaient être encore proches des œuvres des conseillers des princes Le premier auteur connu est Jia Yi (201-169), lettré confucéen, dont la réussite auprès de l'empereur suscita la jalousie de ses pairs et lui valut finalement d'être exilé au sud de la Chine de l'époque, dans la même région où avait été banni et se serait suicidé l'auteur principal des Paroles de Chu, QuYuan (343-env. 290), quelque cent vingt ans auparavant. Cette similitude de sort inspira à Jia Yi plusieurs poèmes de lamentations qui portent le nom de fu, bien qu'ils soient entièrement dans la forme et le lyrisme propres aux Paroles de Chu. En revanche, un poème un peu postérieur (écrit de 157 à 144), « Les Sept Suggestions » de Mei Sheng, appartient bien au genre fu, bien que ce terme soit absent du titre. Le poème met en scène deux personnages dont l'un fait un long discours pour suggérer à son interlocuteur sept activités qui pourraient le guérir de sa maladie. Le poème est divisé en dix strophes, encadrées par des parties prosaïques. Chacune des strophes est écrite avec une richesse de vocabulaire concret et de descriptifs (adjectifs composés, avec allitération ou rime intérieure) qui donne précision et ampleur à la description des activités seigneuriales.
Le principal auteur de fu des Han et le véritable initiateur du genre est Sima Xiangru (179 env.-117), dont l'importance mérite que lui soit consacrée une étude spéciale. Son œuvre majeure, qui sera imitée par ses successeurs, est une description hyperbolique de la magnificence du parc impérial et des chasses extravagantes qui y sont menées.
Avec Sima Xiangru, le genre littéraire fu est définitivement fixé. Quelles en sont les caractéristiques générales ? C'est d'abord un souci de préciosité : la forme passe avant le fond, le style avant le message, esthétisme qui suppose une société assez raffinée pour l'apprécier. Ce souci artistique consiste dans la mélodie de la phrase par le rythme et la rime, la profusion du vocabulaire et surtout le déploiement de descriptifs dont la musique interne accroît la musicalité du poème, qui loue les palais, les parcs, les chasses des seigneurs et de l'empereur. Œuvres à la gloire des grands, les fu n'en contiennent pas moins des leçons qui contredisent leur contenu : des invites à la modération, à l'économie constituent comme une résurgence d'un confucianisme qui s'est alors bien transformé.
Sur cette formule générale, des variantes et des lignes divergentes vont apparaître chez les successeurs de Sima Xiangru. À côté des descriptions des palais ou des chasses, des poèmes sont consacrés à des objets divers, qui sont célébrés de la même façon dithyrambique : par exemple le « Fu de la flûte » de Wang Bao (mort en 61 av. J.-C.). Le grand écrivain de la fin des Han antérieurs, Yang Xiong (52 av.-18 apr. J.-C.), à l'œuvre abondante et variée, est au contraire un imitateur direct de Sima Xiangru, au moins dans ses deux principaux fu, l'un sur une chasse, l'autre sur un palais impérial. Le célèbre historien Ban Gu (32-92) continue, avec son « Fu des deux capitales », la tradition de Sima Xiangru. Comme chez ce dernier, son poème met en scène deux personnages qui discutent des mérites respectifs des capitales de l'Est et de l'Ouest, et c'est pour lui une occasion de décrire de façon hyperbolique les merveilles des villes impériales. L'astronome et mathématicien Zhang Heng (78-139) a cherché à[...]
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Écrit par
- Yves HERVOUET : professeur à l'université de Paris-VII, directeur de l'Institut des hautes études chinoises au Collège de France
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