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FUGUE

La composition de la fugue

Contrepoint, imitation, canon, ricercare, tous ces éléments divers donnent naissance à la forme la plus noble et la plus riche qu'aient jamais mis au point les musiciens occidentaux : la fugue. Il s'agit là d'un édifice singulièrement complexe, dans lequel le plan architectural se plie à des normes bien précises et répond à un certain nombre d'impératifs peu à peu accumulés par la tradition jusqu'au xviiie siècle ; cela n'empêche nullement le compositeur de faire preuve d'originalité. Le plan varie dans des proportions sensibles d'un auteur à l'autre ; mais ses lignes essentielles restent immuables, et ce que l'on appelle aujourd'hui la « fugue d'école », telle qu'elle est enseignée dans les conservatoires, correspond à une sorte de type standard issu des œuvres de l'époque classique.

En écrivant une fugue, le compositeur ne doit perdre de vue aucun des trois points suivants : le style, les éléments mêmes du discours, enfin le plan général.

Un contrepoint strict

La fugue est écrite dans un contrepoint des plus stricts, qui ne tolère aucune licence ; les différentes parties jouent entre elles en conservant leur autonomie, leur intérêt, leur personnalité ; il ne faut jamais donner à l'auditeur l'impression d'un travail « vertical ». Les éléments du discours musical ont d'autant plus d'importance qu'ils sont énoncés dès la première mesure et qu'ils doivent contenir en puissance tout le matériau qui sera utilisé par le compositeur jusqu'au bout de la fugue. En effet, il est nécessaire que tous les éléments du développement à venir aient été entendus par l'auditeur et soient connus de lui dès le début de l'œuvre. La fugue ne doit contenir, au point de vue de la matière sonore, aucune surprise ; le talent, ou le génie, se font jour uniquement dans la manière d'organiser les éléments sonores, non dans leur renouvellement éventuel comme on peut le faire dans la sonate, le choral, la variation, la symphonie. Pour nourrir son discours, le compositeur ne possède que deux sources thématiques, l'une et l'autre exprimées au point de départ : le sujet et le contresujet.

Le sujet et le contresujet

Le sujet constitue le thème essentiel de la fugue. Le contresujet en est le thème secondaire, mais il possède cette particularité de suivre le sujet comme son ombre, d'être énoncé en même temps que lui, et de pouvoir être joué ou chanté aussi bien au-dessus qu'au-dessous du thème premier. En d'autres termes, après avoir choisi son sujet, le compositeur invente aussitôt un contresujet qui se marie parfaitement avec le sujet, qui soit écrit en contrepoint renversable par rapport à celui-ci et qui possède également une personnalité bien à lui.

En cherchant le sujet et le contresujet, il faut que le compositeur garde toujours présent à l'esprit que de leur richesse dépend celle de la fugue tout entière. C'est pourquoi le contresujet devra s'opposer au sujet : si celui-ci est mélodique, celui-là sera de préférence rythmique et vice versa. C'est la raison pour laquelle plusieurs cellules doivent s'insérer à l'intérieur du sujet et du contresujet, les unes s'opposant aux autres, et fournissant autant d'éléments différents pour le travail ultérieur de développement.

Une architecture sonore

On comprend maintenant l'importance que revêt l'architecture dans un édifice où les éléments de variété sont aussi soigneusement mesurés au maître d'œuvre. La beauté naît de l'agencement des lignes, de leur équilibre, de leurs jeux réciproques ; l'intérêt ne provient pas d'une nouveauté purement anecdotique, mais de la satisfaction supérieure offerte par le fonctionnement heureux d'une machine idéale, dans laquelle le matériau utilisé importe beaucoup[...]

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Écrit par

  • : directeur de l'École normale de musique de Paris, critique musical, directeur musical à R.T.L.
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Médias

Schumann - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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