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FUJIWARA NO MICHINAGA (966-1027)

C'est à sa naissance — et au hasard — que Michinaga doit d'arriver au premier rang et de présider à l'apogée de la civilisation du Japon antique. Il est en effet le fils du grand chancelier Kaneie, et ses deux frères aînés, Michitaka et Michikane, qui avaient succédé à leur père, sont morts prématurément. L'empereur, sur le conseil de sa mère, sœur de Michinaga, lui accorde en 995 la charge d'examen qui lui permet de recevoir tous les rapports présentés ensuite au souverain et de prendre connaissance de tous les ordres émis au nom de l'empereur. En 996 il devient ministre de gauche, c'est-à-dire le ministre le plus élevé en dignité. En 1016 il assume la charge de régent (sesshō) et revêt l'année suivante la fonction de ministre des Affaires suprêmes, pour présider à la cérémonie qui marque la majorité de l'empereur. Au bout de trois mois, il démissionne et se fait moine, sans cesser pourtant de diriger les affaires par l'intermédiaire de ses fils. Michinaga réussit à se maintenir à la tête de la cour par les moyens accoutumés : mariages, avancement de ses enfants, formation d'une clientèle. Il marie sa fille aînée, Shōshi, à l'empereur Ichijō, la deuxième au cousin d'Ichijō, l'empereur Sanjō, la troisième à Go-Ichijō, fils aîné d'Ichijō et de Shōshi, empereur à partir de 1016, la quatrième au prince héritier, cadet de Go-Ichijō. Il pousse vigoureusement son fils aîné, Yorimichi, qu'il investit du cinquième rang avant qu'il ait dix ans, du deuxième avant sa vingtième année ; il lui cède sa fonction de régent. Peu après l'entrée en religion de Michinaga, Yorimichi est ministre de gauche et grand chancelier, son frère cadet est tiers ministre, deux autres fils sont grands conseillers. En outre, il s'attache des clients choisis dans tous les échelons de la hiérarchie des fonctionnaires. Entre lui et ces hommes, c'est un échange constant de services et de cadeaux : Michinaga favorise leur promotion, leur fait donner des postes avantageux et reçoit, en contrepartie, des services financiers et la gloire d'être toujours environné d'un peuple de protégés et d'obligés.

Michinaga n'a pas utilisé son influence et son prestige pour faire une œuvre positive en matière d'organisation ou de réorganisation des institutions ; il se contente de présider à la vie de la cour, qui obéit à des règles strictes et minutieuses ; tout au plus se permet-il de violer les règlements pour mieux favoriser ses enfants. Très dévot, il bâtit ou rebâtit des temples, commande des statues. Vivant à une époque où les incendies sont fréquents, il préside plusieurs fois à la reconstruction du palais ou de ses propres résidences, mais il ne peut passer pour un mécène éclairé. Cependant, à la cour, les femmes de sa famille sont entourées d'une pléiade de poétesses, de romancières et d'essayistes : Sei Shōnagon, Izumi Shikibu, Akazome Emon et surtout Murasaki Shikibu, que Michinaga connaît et, semble-t-il, apprécie. La splendeur des cérémonies qu'il commande (entrée au palais de ses filles, visites des empereurs, lectures solennelles de sūtras, banquets qui s'accompagnent de poésie et de musique) laissent des souvenirs éclatants. A peine est-il mort qu'on entreprend de conserver la mémoire de sa splendeur, qui fait le sujet des premiers récits historiques en langue nationale composés au Japon. Il avait pendant quelques années tenu en chinois un journal assez sec, dont le style ne le classe pas parmi les bons lettrés. Ni homme de guerre, ni homme d'État, ni homme de savoir, ni amateur d'art, Michinaga brille moins par ses actes que parce qu'il est devenu le symbole de la gloire des Fujiwara.

— Francine HÉRAIL

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Écrit par

  • : maître assistant à l'Institut national des langues et civilisations orientales, professeur délégué

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