FUKUZAWA YUKICHI (1835-1901)
Éducateur japonais. C'est à Nakatsu, près de la côte de l'extrême ouest de la mer Intérieure, dans l'île de Kyūshū que naquit Fukuzawa Yukichi. Issu d'une famille d'officiers très modeste, il s'initia à Nagasaki, de 1854 à 1855, aux « études hollandaises » — terme qui englobe toutes les sciences et techniques que le Japon connaît par l'intermédiaire des Pays-Bas — puis séjourna à Ōsaka, où il devint le disciple du médecin Ogata Kōan, très ouvert aux apports scientifiques occidentaux. En 1858, il établit à Edo sa propre école d'« études hollandaises » et apprit lui-même l'anglais. Engagé comme interprète par le bakufu (gouvernement), qui désirait supprimer l'isolement dans lequel était maintenu le Japon depuis deux siècles et demi, il participa aux délégations officielles qui se rendirent en 1860 aux États-Unis, en 1862 dans divers pays d'Europe et en 1867 en France. Peu désireux d'être mêlé à la politique, au moment de la chute du bakufu et de l'installation du gouvernement de Meiji, il se fit inscrire à l'état civil comme roturier et s'employa exclusivement à développer l'enseignement de son école, qu'il appela Keiō Gijuku en 1868. Il fit partie du groupe de la Sixième Année Meiji (Meiroku sha) réunissant depuis 1873 (6e année de l'ère Meiji), autour de Mori Arinori, futur ministre de l'Instruction publique, des savants et des hommes de lettres qui voulaient apporter leur contribution à la modernisation du Japon. Par ailleurs, Fukuzawa publiait des ouvrages de vulgarisation afin de répandre l'instruction et d'éclairer l'opinion publique japonaise sur la culture occidentale : Seiyō jijō (Les Choses de l'Occident) de 1866 à 1870, Bummei-ron no gairyaku (Résumé du discours sur la civilisation) en 1875. Dès 1872, sa démarche se modifie : dorénavant, il entend non seulement décrire, mais proposer et juger en fonction des aspirations et des besoins de son propre pays. Ainsi s'échelonne sur plusieurs années (1872-1876) la parution de petits fascicules qui seront réunis sous le titre Gakumon no susume, ce qui signifie à la fois « Promotion des sciences » et « Défense du savoir ». Appelant chacun de ses lecteurs à « apprendre », Fukuzawa explique que les hommes naissent égaux et qu'il appartient à chacun d'assurer son autonomie : là se trouve la justification et la nécessité du savoir ; de même, il n'est pas de nation qui, par quelque obscure prédestination, serait plus forte ou plus faible que les autres : il revient à chacune d'entre elles de réaliser son indépendance. La qualité de l'expression — clarté du style, précision du vocabulaire — contribue au succès de ces fascicules dont trois millions d'exemplaires circulent de main en main. L'ouvrage est d'ailleurs contrefait à plusieurs reprises.
Fukuzawa défendit avec succès l'existence de l'école privée concurremment avec l'école publique. Keiō Gijuku ouvrit en 1874 un collège pour les enfants et, étendant encore son enseignement, devint en 1890 une école supérieure avec trois sections : lettres, économie et droit. Personnellement, Fukuzawa ne put éviter des compromissions avec le pouvoir établi, surtout après les années 1880. Il anima le club Kōjunsha, qui, autour d'un noyau constitué par d'anciens élèves de Keiō Gijuku, groupait des savants, des journalistes, des fonctionnaires, des hommes d'affaires, mais aussi des notables provinciaux et des hommes politiques, dont Ōkuma Shigenobu ; ce club, qui comptait 1800 adhérents à sa fondation, avait, outre son centre à Tōkyō, des clubs affiliés partout au Japon. D'un autre côté, Fukuzawa lança en 1882 le journal Jiji Shimpō, qui soutint l'opposition au gouvernement du Parti du progrès (Rikken-Kaishintō)[...]
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Écrit par
- Paul AKAMATSU : directeur de recherche au CNRS
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