FULLERÈNES
De la molécule au solide moléculaire
Que faire avec ces molécules si inhabituelles ? C'est l'aspect matériau solide qui a d'abord été étudié et il est vite apparu que ces molécules pouvaient facilement cristalliser, à température ambiante, dans un réseau cubique à faces centrées, où les molécules continuent à tourner sur elles-mêmes (à plus de 1011 tours par seconde) comme si elles étaient libres. Elles forment des systèmes que les physiciens ont l'habitude de manipuler : des monocristaux, des poudres cristallines, des couches minces, des monocouches... Comme ces solides, appelés fullerites, sont constitués d'un assemblage de sphères, l'espace vide entre celles-ci est important (30 p. 100 du volume total apparent) et permet que s'y logent (suivant un processus appelé intercalation) des atomes ou des molécules. C'est ainsi que le dioxygène de l'air (O2) s'intercale spontanément et de façon réversible dans ces structures, mais en trop petite quantité pour qu'on envisage d'utiliser le fullerite comme matériau absorbant. Plus intéressante est l'intercalation d'atomes alcalins, comme le potassium (K), le rubidium (Rb) ou le césium (Cs). En remplissant les vides au maximum, on arrive à former des composés définis qui se révèlent supraconducteurs au-dessous d'une certaine température appelée température critique. C'est ainsi que le composé K3C60 (trois atomes de K pour une molécule de C60) devient supraconducteur au-dessous de 20 K et Rb3C60 au-dessous de 30 K. Cette propriété est la conséquence directe de la géométrie des molécules C60, qui, du fait de la courbure de l'enveloppe carbonée, module les caractéristiques électroniques du système. Toutefois, les applications envisagées dans le domaine de la supraconduction se sont révélées rapidement limitées, ces composés n'étant pas stables à l'air et les températures critiques ne dépassant pas 44 K (pour le Cs3C60 sous pression) – températures élevées par rapport à celles des supraconducteurs classiques (autour de 25 K), mais trop faibles par rapport à celles des supraconducteurs à haute température critique (autour de 150 K).
D'autres situations intéressantes pour les physiciens ont été obtenues en soumettant le fullerite à une forte pression et/ou à une haute température. Ainsi l'application de manière non hydrostatique d'une pression de 20,2 gigapascals à température ambiante transforme le matériau en diamant, comme l'ont montré à Grenoble, en 1992, M. Nunez-Regueiro et ses collaborateurs. Une pression plus faible mais à une température plus élevée (quelques centaines de degrés Celsius), transforme le solide en un polymère (les sphères s'accrochent entre elles en un chapelet) ou en un réseau à deux dimensions (les sphères s'accrochent entre elles dans un plan), voire à trois dimensions. C'est tout un diagramme de phases, riche en structures à une, deux et trois dimensions, qu'il est ainsi possible de constituer.
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Écrit par
- Patrick BERNIER : ancien directeur de recherche au CNRS, Groupe de dynamique des phases condensées, université de Montpellier-II
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