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FUREUR ET MYSTÈRE, René Char Fiche de lecture

La « transhumance du Verbe »

L'extrême concentration d'une formulation privilégiant la parataxe à la syntaxe, juxtaposant sans les développer des paroles lapidaires dont la mise en présence crée des effets de surprise, est caractéristique d'un style dont Char ne se départira jamais. « Déborder l'économie de la création, agrandir le sang des gestes, devoir de toute lumière » (« L'Avant monde », Seuls demeurent).

Les formules fusent sous le poids de leur concentration, ignorant les transitions qui alourdissent et ralentissent, « annu[lant] le trajet de cause à effet », provoquant, par leur alchimie secrète, de lumineux et mystérieux éclairs. Mystère en pleine clarté, mystère du plein jour. « Si nous habitons un éclair, il est le cœur de l'éternel » (« À la santé du serpent », XXIV, Le Poème pulvérisé).

La parole d'allure prophétique et fragmentaire, volontiers gnomique, placée sous le signe du philosophe Héraclite et du peintre Georges de La Tour – nommés pour la première fois dans « Partage formel » (Seuls demeurent) – s'affirme avec éclat dans les 237 paragraphes des Feuillets d'Hypnos rédigés clandestinement, sur un petit carnet, « dans la tension, la colère, la peur [...] le recueillement furtif, l'illusion de l'avenir, l'amitié, l'amour » et dédiés à Albert Camus. « Nous n'appartenons à personne sinon au point d'or de cette lampe inconnue de nous, inaccessible à nous qui tient éveillés le courage et le silence. » Préserver cette part d'inconnu logée au cœur de l'homme fut l'une des exigences et de l'homme et de l'œuvre d'un poète qui sut, dès l'origine, être fidèle à sa vocation.

— Francis WYBRANDS

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Média

René Char - crédits : Patrick Horvais/ Gamma-Rapho/ Getty Images

René Char