FUTURISME
Le futurisme russe
Le futurisme russe va connaître son apogée dans les années 1912-1914. À l'origine, on trouve la personnalité de David Bourliouk qui, à partir de 1907, reçoit peintres et poètes dans une propriété du nord de la Crimée (antique Hylée). Une amitié se noue entre Bourliouk et Mikhaïl Larionov, rapprochés par des convictions communes : « À bas le grand art » ; « À bas l'imitation de la nature, l'art est création » ; « À bas le mysticisme, la religiosité symboliste » ; « À bas la tradition artistique occidentale ».
En 1909, le critique italien Marinetti publie dans Le Figaro à Paris son Manifeste futuriste. Il s'agit de détourner, au profit des jeunes artistes milanais, une partie de l'attention du public d'avant-garde parisien captivé par les cubistes. Les jeunes artistes russes sympathisent avec les idées du Manifeste futuriste de Marinetti, qui exalte le xxe siècle, l'industrie, la guerre, et appelle à la destruction des musées. Les amis de Bourliouk font une première tentative de percée dans le monde littéraire avec Le Studio des impressionnistes et Le Vivier des juges (1909) ; ils se nomment hyléens et bientôt aveniriens (boudetliane), tandis que les amis de Larionov s'appellent aveniristes (boudouchtchniki). En novembre 1911, un petit groupe de poètes pétersbourgeois rassemblés autour d'Igor Severianine, voyant dans l'égoïsme rationnel la solution à tous les problèmes métaphysiques et esthétiques, prend le nom d'égofuturiste.
À Moscou les amis de Bourliouk, qui ont fait deux recrues de choix : Vélimir Khlebnikov et Vladimir Maïakovski, répliquent en se proclamant cubofuturistes et font paraître la Gifle au goût public (déc. 1912) et le Vivier des juges-2 (févr. 1913). Parmi les cubofuturistes citons Bénédikt Livchits et l'aviateur Vassili Kamenski ; Alexeï Kroutchenykh devient le théoricien du groupe, même si ses vues sur la « langue transmentale » ne sont pas acceptées de tous. Les cubofuturistes provoquent des scandales. En réaction se constitue à Moscou un groupe d'orientation égofuturiste, la Mezzanine de la poésie, dirigé par Vadim Cherchénévitch. Sur le plan artistique, le futurisme russe compte des artistes de premier plan comme David Bourliouk (1882-1967), ou les fondateurs du rayonnisme (1913), Natalia Gontcharova (1883-1962) et Mikhail Larionov (1881-1964). Issus de cette tendance, Vladimir Tatline (1885-1953) et Casimir Malevitch (1878-1935) se porteront vers la non-figuration radicale qui caractérise le constructivisme et le suprématisme.
Marinetti se rend en Russie en janvier-février 1914. C'est alors qu'est créée une grande Armée unifiée des futuristes russes : elle part à la conquête de la province et s'y disloque.
Livchits et Khlebnikov prennent leurs distances. On parle de la mort du futurisme. À Moscou pourtant, il y a un mouvement futuriste d'inspiration mallarméenne, la Centrifuge, avec Sergueï Bobrov, Nikolaï Asseïev et Boris Pasternak. Pendant la guerre, Maïakovski fait la connaissance des critiques formalistes de Petrograd. Pendant la révolution et la guerre civile, des groupes futuristes naissent à Tiflis (le 41e parallèle, avec Khroutchenykh et Ilia Zdanevitch) et en Extrême-Orient (Création, avec Asseïev et Tchoujak). Maïakovski tente d'organiser, parallèlement à la révolution sociale, une révolution culturelle et morale, et dirige quatre expériences : d'octobre 1917 à mars 1919 les Komfouty, futuristes communistes, s'installent à la section des arts plastiques du commissariat du peuple à l'Instruction publique et éditent le journal L'Art de la Commune (mais à la suite d'un incident entre le pouvoir bolchevique et Viktor Chklovski, l'entreprise échoue).
En 1924-1925, préparée par l'Association des futuristes moscovites (le M.A.F.), a lieu[...]
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Écrit par
- Jean-Louis COMOLLI : réalisateur et critique de cinéma
- Claude FRONTISI : professeur émérite des Universités, président du centre de recherche Pierre-Francastel
- Claude KASTLER : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Grenoble
Classification
Médias
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