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FUTURISME

Le cinéma, un art futuriste ?

Comme souvent chez les futuristes italiens, les premières réalisations cinématographiques concrètes précèdent et déterminent théories et manifestes. La première initiative est à porter au crédit du groupe florentin de l'Italia futurista (le plus expérimenté en matière de cinéma, puisque dès 1910-1912, les deux frères Arnaldo Ginna et Bruno Corra, qui avaient publié Arte dell'avenire (1910), avaient réalisé, sous la dénomination de « musique chromatique », les premiers courts-métrages abstraits d'avant-garde, comme L'Arc-en-ciel et Étude d'effets entre quatre couleurs). Il s'agit du film Vita futurista de l'avvenire (1910), réalisé en 1916 sous la direction de Ginna par Filippo Tommaso Marinetti, Giacomo Balla, Carlo Carrà et d'autres. Film sans scénario, totalement improvisé au fur et à mesure du tournage, il comportait une série de séquences plus ou moins indépendantes, aux titres révélateurs : « Comment dort le futuriste et comment dort le passéiste », « Caricature de Hamlet, symbole du passéisme pessimiste », « Danse de splendeur géométrique », « Recherche rétrospective d'états d'âme » (l'épisode antiautrichien « Pourquoi François-Joseph ne mourait pas » fut supprimé par la censure).

Cette expérience, si elle est accompagnée par le manifeste La Cinématographie futuriste, ne suscitera pas d'autres œuvres, à moins de considérer comme futuristes les deux films d'Anton Bragaglia : Thaïs et Charme pervers (Perfido Incanto), réalisés en 1916 et 1917, et qui en fait ont bien davantage de rapports avec le caligarisme. À côté de déclarations très générales du type : « les immenses possibilités du cinéma sont encore intactes », où se marque l'intérêt très vif, mais purement de principe, des futuristes pour le cinéma, le Manifeste définit, de façon très programmatique, la cinématographie futuriste comme « un art total », devant « avant tout parachever l'évolution de la peinture [en] se détachant de la réalité, de la photographie, du joli et du solennel ». C'est donc au cinéma qu'aurait dû revenir la tâche, assignée par les futuristes au Teatro sintetico (Théâtre synthétique), d'être à la fois « peinture, architecture, sculpture, paroles en liberté, musique de couleurs, lignes et formes, assemblages d'objets et réalité chaotisée ».

La réalisation des idées qu’exprime le Manifeste, c'est peut-être, en fin de compte, davantage dans le cinéma russe qu'il faut la chercher. Dès 1913, le groupe moscovite Queue d'âne (Bourliouk, Larionov, Gontcharova) produit Drame au cabaret futuriste no 13 (Drama v kabare futuristov no 13), parodie du genre alors très répandu du film-guignol. Et surtout, c'est Vladimir Maïakovski qui, avec ses nombreux scénarios (dont au moins trois furent portés à l'écran en 1918), apporte la principale contribution du futurisme au cinéma, sans avoir malheureusement la chance de rencontrer de la part des producteurs autre chose que l'incompréhension la plus totale : son meilleur scénario, Enchaînée par le film (Zakovannaïa filmoï, 1918), fut littéralement mutilé par la Neptune et par le réalisateur Nikandre Tourkine. On peut également considérer que, par son apologie de la ville et de la civilisation industrielle, L'Homme à la caméra de Dziga Vertov (1929) est encore proche de l'esprit du futurisme.

Aux côtés du cubisme, le futurisme a joué un rôle essentiel dans la naissance et la diffusion de l'avant-gardisme. Par son refus des normes artistiques et politiques de la société, il annonce très directement le dadaïsme. Sa transgression des limites, en fait un précurseur de l’art comportemental.

— Jean-Louis COMOLLI

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Écrit par

  • : réalisateur et critique de cinéma
  • : professeur émérite des Universités, président du centre de recherche Pierre-Francastel
  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Grenoble

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Médias

Les fondateurs du futurisme - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Les fondateurs du futurisme

Le futurisme - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le futurisme

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