BACQUIER GABRIEL (1924-2020)
La personnalité truculente de Gabriel Bacquier ne pouvait dissimuler, avec sa faconde toute méridionale et son accent rocailleux, de profondes racines provinciales. Grâce à un timbre profond et charnu de baryton-basse, un sens aigu de la scène et une subtile intelligence des rôles, il est l’un des rares chanteurs français de sa génération à avoir connu une aussi longue et brillante carrière internationale.
Gabriel Bacquier naît à Béziers le 17 mai 1924. Ses goûts le portant tout d’abord vers le dessin, il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de Montpellier. Pendant l’Occupation, pour échapper au Service du travail obligatoire, il entre à la SNCF. Il prend dans sa ville natale, auprès de madame Bastard, de premières leçons de chant. Étudiant au Conservatoire de Paris (1945-1950), il mène une vie difficile et pousse la chansonnette dans les salles de cinéma et les cabarets. Engagé à Anzin, près de Valenciennes, ce débutant s’initie très jeune aux grands rôles de l’opéra populaire. Après un bref passage à l’opéra de Nice, il rejoint la troupe itinérante du baryton José Beckmans avec laquelle il chante dans de nombreuses opérettes. Recruté par le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles (1953-1956), il est le partenaire de Martha Angelici, vedette de l’Opéra-Comique. Par son entremise, il est admis dans la troupe parisienne et s’y produit en 1958 dans le rôle de Sharpless (Madame Butterfly, de Puccini). L'année 1960 marque un tournant décisif dans son parcours artistique. Il donne en effet, à l’Opéra de Paris, la réplique à Renata Tebaldi avec un mémorable Scarpia (Tosca, de Puccini). Cette même année, Gabriel Dussurget l’invite au festival d’Aix-en-Provence, où il triomphe dans le rôle-titre de Don Giovanni de Mozart. Ce succès retentissant est amplifié par la retransmission en direct du spectacle à la télévision.
La carrière de Gabriel Bacquier est lancée. Il voyage beaucoup (Vienne, Chicago, Milan, Londres). Régulièrement invité au festival de Glyndebourne (1962-1973) et au Metropolitan Opera de New York (1964-1981), il s’y distingue par son élégance scénique, la clarté de son élocution et sa puissance expressive. En 1973, il interprète le comte Almaviva (Les Noces de Figaro, de Mozart) dans la légendaire mise en scène de Giorgio Strehler à l’Opéra de Paris. Son répertoire, en dehors d’une unique apparition dans le rôle de Wolfram (Tannhäuser, de Wagner), ignore l’univers germanique.
Le domaine d’élection de Gabriel Bacquier réunit Mozart, les œuvres lyriques italiennes et, bien entendu, la musique de sa patrie, ce qui fait de lui un véritable ambassadeur de l’art du chant à la française. À compter des années 1980, il se tourne volontiers vers les personnages « bouffe » et les opérettes où sa verve peut se donner libre cours. Sans manifester un intérêt soutenu pour la musique de son temps, il participe néanmoins à plusieurs créations : La Locandiera de Maurice Thiriet (1960), Pour un Don Quichotte de J.-P. Rivière (1961), Le Dernier Sauvage de Gian Carlo Menotti (1963), Andrea del Sarto de Daniel-Lesur (1969) et L’Escarpolette de Jean-Michel Damase (1980). Après avoir enseigné à l’école de chant de l’Opéra de Paris, il devient professeur d’art lyrique au Conservatoire de Paris (1982-1988).
L’étendue et la qualité de sa discographie sont impressionnantes. Au sommet, ses trois Golaud (Pelléas et Mélisande, de Debussy) sous la direction de Jean-Claude Casadesus, Serge Baudo et Simon Rattle, ainsi que, par trois fois, Les Contesd’Hoffmann d’Offenbach sous la baguette de Jesús Etcheverry, Richard Bonynge et Kent Nagano. L’opéra français y occupe une place essentielle avec notamment Manon, Don Quichotte, Thaïs et La Navarraise de Massenet, Ariane et Barbe-Bleue de Dukas, L’Étoile de Chabrier, Louise de Charpentier, Mireille de Gounod ou encore Lakmé de Delibes. Ne sont[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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