FAURÉ GABRIEL (1845-1924)
Né dix-sept ans avant Debussy, trente avant Ravel, le compositeur Gabriel Fauré n'en fait pas moins partie de cette grande constellation de la musique française contemporaine : Fauré, Debussy, Ravel. Il y a là néanmoins une sorte d'injustice : à trop méconnaître l'importance des dates, on risque de réduire les mérites propres du compositeur. Musicien romantique (sa première mélodieLe Papillon et la fleur date de 1861), Fauré ne peut se comparer en effet ni au Debussy scandaleux de Pelléas et Mélisande (1902), ni à l'audacieux Ravel des Histoires naturelles (1907). Musicien de la continuité dix-neuviémiste, il ignore les soubresauts de l'esthétique actuelle. D'ailleurs, comment les aurait-il connus ? Frappé de surdité dès les années 1902-1903, il n'entendra ni Le Sacre du printemps de Stravinski (1913), ni Pierrot lunaire de Schönberg (1913) et restera en dehors des grandes querelles musicales. D'où sa réputation de musicien intemporel, hiératique, « athénien ». C'est mal juger un tempérament méridional expansif, qui a pu ordonner le lyrisme effréné des deux Quatuors pour cordes et piano (1879 et 1886), ou la franche sensualité des mélodies de La Bonne Chanson (1892-1894), qui a pu concevoir également l'orchestration puissante de Prométhée, musique de scène donnée aux Arènes de Béziers en 1900. À l'homme des salons, préférons l'image d'un musicien plus musclé, mal compris, tout comme le fut l'« éternel enfant Mozart » avant que l'on ne découvrît en lui l'« immortel auteur de Don Giovanni ».
Un musicien romantique
Né à Pamiers (Ariège) le 12 mai 1845, le jeune Fauré devra quitter sa famille pour suivre à Paris les cours de l'école de musique classique et religieuse de Louis Niedermeyer. Il y connaîtra Camille Saint-Saëns, jeune et brillant professeur de piano, qui lui révèle les œuvres de Liszt, Schumann et Wagner. Pour ce maître particulièrement aimé, il écrira en 1861 sa première composition, la mélodie Le Papillon et la fleur, d'après Victor Hugo. C'est encore Saint-Saëns qui, en fondant la Société nationale de musique (1871) pour encourager et exécuter les œuvres des jeunes musiciens français, lui permet de se « mettre à l'ouvrage ». Les milieux musicaux parisiens vont bientôt l'accueillir et il fréquente avec enthousiasme le salon Viardot, pensant même épouser l'une des filles de Pauline Viardot.
L'année 1875 marque une réussite dans sa jeune carrière : achèvement de la 1re Sonate pour piano en la majeur opus 13, 1er Nocturne pour piano en mi bémol mineur opus 33 no 1 et deux mélodies d'après Sully Prud'homme Ici-Bas ! et Au bord de l'eau. De grandes œuvres seront bientôt mises en chantier : les 2 quatuors avec piano, les 6 Nocturnes pour piano et de nombreuses mélodies. Dans ces mêmes années (1878-1879), Fauré se rend en Allemagne où il rencontre Liszt et entend des œuvres de Wagner. Sa vie parisienne se partage entre ses tâches d'organiste et de maître de chapelle (église de la Madeleine), les leçons de piano, les réceptions mondaines... Héritier des pianistes romantiques, il aime avant tout le piano et les formes brèves qui le mettent si bien en valeur : nocturnes, impromptus, barcarolles, ballades... Même les formes de la musique de chambre – sonate, quatuor – accordent une place prépondérante à l'instrument roi du xixe siècle. Cette première période s'achève avec son mariage : il épouse en 1883 Marie Fremiet, fille du sculpteur Emmanuel Fremiet, dont il aura deux fils.
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Écrit par
- Marie-Claire BELTRANDO-PATIER : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lille III-Charles-de-Gaulle, directeur de recherche à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
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