BOFFRAND GABRIEL GERMAIN (1667-1754)
Architecte et décorateur français, Germain Boffrand est, avec Robert de Cotte, le plus fécond créateur des styles Régence de Louis XV. Élève d'Hardouin-Mansart, dont il a saisi la portée de l'évolution finale vers un classicisme moins austère, plus ouvert, plus exubérant même (la chapelle de Versailles, 1708), ce neveu du poète Quinault, se piquant lui-même de littérature (à l'occasion, auteur de pièces de théâtre) débute sa carrière parisienne d'architecte par un coup de maître : dès 1695, il élève l'hôtel Amelot de Gournay (1, rue Saint-Dominique à Paris) dont la très élégante cour elliptique rompt avec la tradition de la cour en équerre, ouvrant ainsi la voie aux lignes souples dans le domaine qui lui est apparemment le plus rebelle : l'architecture. Désormais consacré architecte d'hôtels particuliers, les succès de Boffrand ne se comptent plus, notamment dans le nouveau quartier (faubourg Saint-Germain) ouvert aux bâtisseurs dans l'ouest parisien : hôtels du Petit-Villars, rue de Grenelle ; de Torcy et de Seignelay (1714), rue de Lille, dont les jardins se déployaient jusqu'à la Seine. Sa consécration s'affirme quand on lui confie la construction de l'hôpital des Enfants trouvés, flanquant le parvis de Notre-Dame (détruit au cours des travaux d'Haussmann), où l'utilisation des grands toits en bâtière « à la française », soulignant les frontons des fenêtres légèrement cintrées modifiait sensiblement les grands principes classiques dans une interprétation souple et vivante témoignant d'un goût nouveau. À Paris encore, son apport dans le domaine de la décoration est non moins essentiel. Il suffit de citer les fameux salons ovales du palais Soubise, dans le Marais, qui ont donné au style rocaille son expression la plus parfaite. Exécutés entre 1735 et 1740 sous la direction de Boffrand, les revêtements de stucs dorés, rassemblés dans des cartouches, au-dessus des vastes glaces qui alternent avec les fenêtres, ou étirés en guirlandes dans le le « ciel » étoilé du plafond n'écrasent pas le décor. Ici tout est courbe et contre-courbe. La ligne droite semble bannie. Les écoinçons portent des toiles marouflées (de Van Loo, de Boucher, de Natoire surtout, qui raconte l'histoire de Psyché) sous le plafond, ajoutant leurs couleurs vives et leurs sujets légers au raffinement suprême de l'ensemble.
À la mort d'Hardouin-Mansart (1708), Boffrand est appelé à lui succéder par le duc de Lorraine qui le nomme premier architecte. À Nancy même, il élève quelques hôtels (du Hautoy, de Custines, de Vitrimont, de Curel) et surtout l'hôtel de Craon, sur lequel s'appuiera plus tard Héré pour ordonner la place de la Carrière. En Lorraine, il édifie le château de Lunéville qui s'inspire très librement de Versailles, de Trianon surtout, trois arcades ouvertes au rez-de-chaussée mettant en communication « triomphale » la vaste cour d'honneur donnant sur la ville et sur les jardins. Un projet très remarquable fut soumis au duc pour sa résidence du château de la Malgrange, plan en X écrasé avec en son centre un vaste salon circulaire ouvert sur une colonnade, trop insolite pour être retenu, mais qui sera repris plus tard par des disciples étrangers : les architectes Fischer von Erlach et Juvara ; ainsi est prouvée la compréhension, sinon la filiation, entre les styles classique et rocaille français et le rococo européen. Boffrand se fera d'ailleurs lui-même le messager du style français hors de France : pour l'électeur de Bavière, il élève, près de Bruxelles, le pavillon de Rochefort, et, pour celui de Mayence, il dessine le plan de son château « la Favorite ». Deux ouvrages théoriques (Livre d'architecture, 1745, notamment) ont popularisé le nom de Boffrand comme celui d'un maître de[...]
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Écrit par
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