MIRABEAU HONORÉ GABRIEL RIQUETTI comte de (1749-1791)
« Ne vous effrayez pas » dit-on à son père le marquis, avant de lui montrer l'héritier de son nom, fort vigoureux mais affreux de visage. Sans illusions, le marquis écrivait à son frère le bailli : « Ton neveu est celui de Satan. » Une petite vérole mal soignée acheva de donner à Mirabeau un physique effrayant ; il dira lui-même : « Quand je secoue ma terrible hure, il n'y a personne qui osât m'interrompre. » À quinze ans, il est « gauche dans ses manières, disgracieux dans sa tournure, sale dans ses vêtements » ; il aime parler, mais agace par son ton tranchant et sa suffisance. Il a « l'air d'un paysan ». Dans un siècle où les apparences sont tout, le comte de Mirabeau est déjà un déclassé : on ne reconnaît pas en lui le gentilhomme. Entré au service, en 1767, dans un régiment cantonné à Saintes, il fait scandale : dettes de jeu, promesse de mariage à une fille du peuple séduite, brouille avec son colonel, désertion enfin. On l'enferme six mois dans la citadelle de l'île de Ré. Mais Mirabeau ne perdra plus jamais ses goûts de jeune débauché : inconduite sans grâce, ni choix, ni délicatesse, excès de table et de boisson, dépenses effrénées malgré ses dettes criardes. Capitaine de dragons en 1771, il quitte l'armée, épouse après une vilaine intrigue une héritière provençale et s'établit au château de Mirabeau : quinze mois après, menacé de contrainte par corps, une lettre de cachet l'en met à couvert. Tout au long de sa vie, l'arbitraire royal évitera à Mirabeau les condamnations régulières. Assigné à résidence à Mirabeau même, il est cependant interdit comme prodigue et le restera jusqu'à sa mort. Mais il prolonge ses frasques : en 1774, à Vence, où il est allé voir une de ses sœurs avec laquelle ses relations sont au moins équivoques, il se bat aux poings contre un gentilhomme du lieu. Condamné à un blâme, peine symbolique mais infamante, il est derechef enfermé par lettre de cachet au château d'If puis au fort de Joux, en Franche-Comté. Il profite d'un régime adouci pour séduire Sophie de Ruffey, jeune femme de vingt et un ans mariée au sexagénaire marquis de Monnier. C'est un roman d'amour et une odyssée : les deux amants fuient à Amsterdam en 1775. Rattrapé en 1777, Mirabeau, condamné à mort par contumace, est emprisonné à Vincennes par lettre de cachet tandis que Sophie est mise au couvent. Suivent trois années de détention. Mirabeau lit et écrit. En 1775, au château d'If, il avait composé un Essai sur le despotisme inspiré de Rousseau ; à Vincennes, il est éclectique, s'essaye à tous les genres, depuis un pamphlet contre les lettres de cachet jusqu'à l'Erotika Biblion. Sa méthode de travail se fixe alors et ne variera plus. Il n'a pas grande imagination à partir de rien ; il exprime difficilement sa propre pensée surtout par écrit. Mais son esprit agile tire aisément parti du travail d'autrui, le modifie, y met sa marque, se l'approprie. C'est son talent. D'où la nécessité de plagier ou d'avoir des collaborateurs : après 1789, Mirabeau disposera d'un véritable atelier d'auteurs à son service. Il ne sera jamais un véritable écrivain ni un vrai orateur ; ce sera toujours un littérateur, un parleur. Son père le dépeignait très tôt comme « la pie des beaux esprits et le geai des carrefours ». Sorti de Vincennes, Mirabeau participe aux scandaleuses disputes familiales puis, prestement réhabilité par les juges franc-comtois, il va plaider lui-même, à Aix-en-Provence, contre sa femme qui obtient, malgré lui, un jugement de séparation. L'éloquence de l'avocat improvisé est remarquée, mais Mirabeau est tout à fait discrédité. Pour vivre, il se fait journaliste financier avec un succès médiocre : il est « à la solde de l'agio », selon son père ; pour Grimm, qui dénonce sa vénalité, c'est « l'Arétin moderne ».[...]
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Écrit par
- Olivier COLLOMB : diplômé d'études supérieures d'histoire, publiciste
Classification
Média
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