CHANEL GABRIELLE dite COCO (1883-1971)
De la couture aux parfums et aux bijoux
Femme d'affaires, autoritaire et pragmatique, à la tête d'une entreprise qui comptera, en 1936, 4 000 employés, femme libre, dotée d'une rare indépendance d'esprit, Chanel est peu soucieuse des convenances. S'érigeant en exemple, elle contribue à la réforme du mode de vie des femmes : cheveux courts, bronzée, elle s'affiche en tenue décontractée, en pyjama de plage ou encore en pantalon à pont, la tête couverte d'une casquette de yachting. Elle conçoit, sans jamais les dessiner, des ensembles d'une grande simplicité et d'informels tailleurs de jersey, mais son ambition est plus vaste : imposer au monde une conception de l'élégance qui verrait triompher la personnalité de la femme. Ainsi, très tôt, s'intéresse-t-elle à tout ce qui vient compléter l'habillement. « Le parfum, c'est ce qu'il y a de plus important », disait-elle en citant Paul Valéry : « Une femme mal parfumée n'a pas d'avenir ! » Dès 1921, elle lance son premier parfum intitulé « Chanel no 5 », créé par Ernest Beaux, qui marque le début d'une activité prolifique et lucrative, dont l'actuelle Maison Chanel a conservé la tradition. En 1924, à l'heure où les femmes commencent à oser se farder en plein jour, Chanel, à la pointe de la modernité, imagine une ligne de soins et de maquillage.
La couturière puise son inspiration dans l'univers mouvementé de ses conquêtes amoureuses. En 1920, sa liaison avec le grand-duc Dimitri donne un tour russe aux robes-chemises qu'elle fait broder de motifs slaves. Avec le duc de Westminster, de 1924 à 1931, elle découvre l'élégance et le confort anglais : le tweed, le chandail, la veste masculine, la pelisse qui feront désormais partie de ses collections. En 1926, lasse des débordements outranciers, des perles et des paillettes des années folles, elle propose pour le soir une petite robe noire, une « Ford signée Chanel » comme la qualifie le Vogue américain qui, immédiatement, pressent son incroyable destinée. Pratique et passe-partout, cette robe courte, sobre mais raffinée, se retrouvera dans toutes les garde-robes. Paul Poiret accuse la couturière de se complaire dans le misérabilisme de luxe, de transformer les femmes en « petits télégraphistes sous-alimentés... »
Mais dans la farouche concurrence qui l'oppose à Madeleine Vionnet puis, plus tard, à la redoutable Elsa Schiaparelli, Chanel prouve qu'elle sait aussi s'adonner au luxe le plus effréné. Lorsque la mode se « féminise » et gagne en sophistication au début des années 1930, elle crée des robes de mousseline diaphanes et fluides qui gainent le corps, d'arachnéennes robes du soir de tulle ou de dentelle, ou encore, en 1938, une robe « gitane » qui fait le tour du monde. En pleine crise économique, elle élabore avec Paul Iribe, en 1932, une collection de bijoux de diamants qu'elle expose dans ses salons. Le bénéfice des entrées est versé à une œuvre caritative. Chanel n'accorde aucune importance à la valeur des bijoux. Ils ne doivent pas servir à afficher la richesse, mais à orner la femme. Il lui importe de compléter la fausse pauvreté des vêtements par l'opulence factice de l'ornement, de rompre la sévérité de ses tenues par une profusion de bijoux fantaisie d'inspiration baroque, qu'elle réalise avec le comte Étienne de Beaumont, avec Fulco di Verdura ou Madame Gripoix et, après la Seconde Guerre mondiale, avec Robert Goossens.
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Écrit par
- Catherine ORMEN : historienne de la mode
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