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SYLVIA GABY (1920-1980)

Tout comme le film de Marc Allégret, Entrée des artistes, la pièce Altitude 3200, créée en 1938, a contribué à la révélation de nombreux jeunes talents, dont une jeune fille rousse aux grands yeux interrogateurs et quelque peu pervers : Gaby Sylvia, de son vrai nom Gabrielle Zignani, née à Cesena (Italie), et disparue pendant l'été de 1980. Cette comédienne injustement oubliée par le cinéma – elle a tenu son dernier rôle dans le film d'Yves Robert, Nous irons tous au paradis – aura connu les plus passionnantes aventures théâtrales. Elle avait pourtant brillamment débuté en 1938 dans le film de Claude Autant-Lara et Maurice Lehman, Le Ruisseau, où, très jeune, elle donnait déjà une vérité intérieure à un rôle conventionnel et mélodramatique. Puis elle trouve son véritable emploi d'ingénue dans le film à sketches d'Yves Mirande, Derrière la façade, brillante variation boulevardière avec tous les grands acteurs de l'avant-guerre. Très proche, à l'instar d'Odette Joyeux, des héroïnes de Gyp, Gaby Sylvia tient ensuite un rôle remarqué dans Premier Bal (1941), aux côtés de Marie Déa et de Raymond Rouleau qui avait été son professeur d'art dramatique. On peut citer, toujours dans cette période de l'Occupation, Signé illisible au côté d'André Luguet, et une curieuse comédie « radiophonique », déjà critique des médias et des animateurs de l'époque sacrifiant tout au dieu publicitaire : Bonsoir Mesdames, Bonsoir Messieurs de Roland Tual.

Au théâtre, à la même époque, elle joue dans La Double Inconstance de Marivaux le personnage qui lui était tout naturellement destiné : Silvia. Certains critiques déclarent écouter ce texte « pour la première fois » tant le jeu de la comédienne leur apparaît « sincère et fiévreux ».

Après la guerre, la carrière de Gaby Sylvia marque le pas : quelques comédies insignifiantes d'André Hunebelle, une ou deux incursions en Italie, avant, en 1954, de retrouver le rôle auquel elle était étroitement associée, celui d'Estelle dans la pièce de Jean-Paul Sartre, Huis clos, qu'elle avait créée au théâtre aux côtés de Michel Vitold et Tania Balachova. Elle y incarne la jeune infanticide, à la féminité trouble. Classée dans les rôles d'ingénue ou de coquette, elle apportait à ce rôle une violence insoupçonnable. Le film de Jacqueline Audry demeure très théâtral, mais Gaby Sylvia donne une interprétation sensible et forte à la fois – elle refuse d'être la victime « des autres ». Une certitude : elle ne souffre absolument pas de la présence d'Arletty.

L'année suivante, ce sont Les Mauvaises Rencontres d'Alexandre Astruc, puis, inexplicablement, plus rien... ou presque.

Les années 1950 marqueront la rencontre de la comédienne avec le rôle de la jeune dompteuse de tigres de la pièce de Jacques Deval, Ce soir à Samarcande, transposition d'un conte oriental. Au côté de Paul Bernard, elle remporte un succès considérable. Elle ne sacrifie pas uniquement aux exigences de la composition comique, elle apporte toujours cette dimension ambiguë qui avait déjà marqué son rôle dans Sodome et Gomorrhe.

Gaby Sylvia, qui aurait pu être une superbe marquise de Merteuil dans une adaptation des Liaisons dangereuses, plus rigoureuse que celle de Vadim, a connu peu avant sa mort un succès inattendu au café-théâtre : La Philosophie dans le boudoir d'après Sade, où l'ironie de l'actrice faisait merveille.

— André-Charles COHEN

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