PICON GAËTAN (1915-1976)
Né à Bordeaux, Gaëtan Picon fait ses études dans cette ville. Premier à l'agrégation de philosophie en 1938, il enseigne en France, puis dirige l'école supérieure des lettres à Beyrouth de 1951 à 1954. Il dirige ensuite l'Institut français de Florence en 1954 et 1955 puis celui de Gand de 1955 à 1959. Ses nombreux essais littéraires, ses conférences sur la littérature et l'art, au Danemark, en Angleterre et aux États-Unis lui valent une renommée internationale.
De 1959 à 1966, il est appelé à la direction des Arts et des Lettres dans le ministère d'André Malraux. Gaëtan Picon devient ensuite directeur d'études à l'École pratique des hautes études et titulaire de la chaire d'histoire de l'art à l'École nationale supérieure des beaux-arts (1966-1976). Parallèlement, il collabore à la revue Fontaine, à Confluences, à L'Éphémère, au Monde, à L'Arc ; il est également critique littéraire au Mercure de France, dont il assume la direction de 1963 à 1965. À partir de 1969, il anime chez Albert Skira la collection des Sentiers de la création, qui publie des textes d'Aragon, Claude Simon, Yves Bonnefoy, Henri Michaux, Roland Barthes et Claude Lévi-Strauss, entre autres.
« Je n'ai pas trouvé le sommeil en venant ici : j'ai seulement trouvé, pour entourer mon insomnie, d'autres voix et d'autres images » (Quelqu'un, 12 février 1934) Gaëtan Picon a dix-huit ans lorsqu'il compose ce petit texte inédit, appelé à répondre seul d'une conscience assiégée au bord de l'écriture. Pour celui qui trace ces mots devant la vie intacte et l'espace sans fin, et que le monde entoure d'un murmure confus, d'une clarté éparse, déjà les subjectivités se ressemblent. Et c'est bien dans un corps à corps avec tout l'insaisissable de l'être que se font les créations de l'esprit.
Attentif à sa propre explication, Gaëtan Picon entreprit très tôt de dégager, dans le temps indéfini de la lecture, le rapport de l'œuvre à autrui et à son jugement. Entre le parcours singulier et la solitude de l'œuvre est le lieu du regard vivant.
« Comme Baudelaire, nous nous tenons entre une modernité désirée, épiée – et une ineffaçable révélation », écrit-il dans Les Lignes de la main, et la plus accessible des images de Gaëtan Picon nous est ici donnée : veillant sur l'insurveillé, rapprochant la lucidité et l'exemple. Homme tout moderne autant qu'homme de jadis, avec l'inquiet besoin de découvrir une perspective d'où la vie puisse se justifier. « De l'art, de la littérature, nous attendons toujours qu'ils bouleversent notre vie par l'exemple même de la vie. » Et l'art est « l'œuvre d'un désir » ; la beauté : « la force d'un dévoilement » ; la forme : « cette vibration de la question, ce chemin de la question à la réponse, le corps second dans lequel le corps premier, le monde, est prisonnier » ; la critique : « la caresse réanimatrice de notre regard, de notre main amoureuse cherchant nulle part ailleurs qu'à la surface de ce beau corps fermé, mais sur chaque parcelle et sur tous les circuits de son épiderme, son inextinguible ardeur momentanée ». L'art est ainsi une reconstruction de la vie en fonction des problèmes qu'elle fait naître : il n'aurait pas de raison d'être s'il n'était possible de concevoir l'existence humaine comme un problème que l'imagination esthétique fût seule capable de poser.
L'histoire de l'art, telle que Gaëtan Picon la conçoit, c'est la vie même de l'art – un univers en expansion où l'événement nouveau est toujours une modification de l'ensemble. Aucune œuvre importante ne peut s'insérer dans cet ensemble sans l'altérer. « Chaque œuvre est comme une présence enfouie[...]
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- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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