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DONIZETTI GAETANO (1797-1848)

Lucia di Lammermoor

Joan Sutherland et Alfredo Kraus dans <it>Lucia di Lammermoor</it> - crédits : Johan Elbers/ The LIFE Images Collection/ Getty Images

Joan Sutherland et Alfredo Kraus dans Lucia di Lammermoor

Dramma tragico en trois actes sur un livret de Salvatore Cammarano, d'après le roman de Walter Scott The Bride of Lammermoor (1819), Lucia di Lammermoor est créé triomphalement au Teatro San Carlo de Naples le 26 septembre 1835. Beaucoup plus que Bellini, Donizetti (qui avait assisté à la première des Puritains et qui admirait cet ouvrage) est soucieux, sinon de pittoresque, du moins de ce que François-René Tranchefort a appelé des « ambiances appropriées ». Ainsi le chœur des chasseurs au premier acte, l'atmosphère d'orage au début du deuxième, au troisième le duel entre Enrico Ashton, le frère de Lucia, et l'homme qu'elle aime, Edgardo.

Mais jamais l'ambiance n'est traitée pour elle-même, et c'est l'erreur de certains metteurs en scène que de le laisser croire. Lucia di Lammermoor est d'abord un terrible drame de la rivalité amoureuse qui oppose Edgardo et celui à qui la jeune fille refuse d'être mariée d'autorité, l'ennemi juré d'Edgardo, Lord Arturo Bucklaw. La tension est telle et devient si insupportable qu'en pleine fête nuptiale – si c'en est une –, on annonce que Lord Arturo a été poignardé par Lucia. Comme tant d'autres héroïnes du second bel canto, celle-ci sombre dans la folie et, dans un long et sublime délire, qui nous vaut le plus bel air de la partition, imagine l'autre scène, celle de son mariage avec Edgardo.

Paul Scudo, qui considère que Lucia di Lammermoor est indiscutablement le chef-d'œuvre de Donizetti, a loué l'atmosphère de l'introduction où se dessine le caractère vigoureux de Enrico Ashton, le sextuor dans le finale du premier acte où « chaque mot est un sanglot de douleur qui vous remue jusqu'au fond de l'âme », l'air final d'Edgardo expirant au pied du château de sa bien-aimée. Le célèbre ténor Napoleone Moriani, rapporte-t-il, « a fait courir toute l'Italie avec ce morceau [...] : on aurait dit, en l'écoutant, une mélodie de Platon chantée par une âme chrétienne ».

C'est au théâtre de Rouen, et alors que l'œuvre est donnée en version française, que madame Bovary assiste à une représentation de Lucie de Lammermoor. Edgardo n'y est que Lagardy, « cabotin diplomate » doué d'un « bel organe », d'un « imperturbable aplomb » – une « admirable nature de charlatan, où il y avait du coiffeur et du toréador ». La magie opère pourtant sur Emma, du moins pendant quelque temps, car la scène de la folie ne l'intéresse pas. Au fond, elle n'a eu d'yeux que pour l'amant idéal, mais vulgaire, dont son existence lui a fourni et lui fournira encore des approximations diversement trompeuses. Flaubert, en 1857, jugeait peut-être que l'heure de Lucia était passée...

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Écrit par

  • : professeur émérite de littérature comparée à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Académie des sciences morales et politiques

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Gaetano Donizetti - crédits : AKG-images

Gaetano Donizetti

Joan Sutherland et Alfredo Kraus dans <it>Lucia di Lammermoor</it> - crédits : Johan Elbers/ The LIFE Images Collection/ Getty Images

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