PREVIATI GAETANO (1852-1920)
Créateur d'une peinture originale et historiquement importante, le peintre italien Gaetano Previati a accompli l'essentiel de son œuvre vers la fin du xixe siècle. En 1876 et 1877, il travaille avec le peintre Cassioli et s'installe ensuite à Milan où il fréquente l'atelier de Bertini. L'œuvre de l'artiste est marquée par l'influence du divisionnisme français. Ses expériences sont pourtant complexes et vont constituer, d'une certaine manière, le relais entre l'art le plus avancé du xixe siècle et le futurisme naissant.
Previati, qui a légué une œuvre théorique importante, semble échapper aux définitions, et sa peinture, apparemment « facile », n'en recèle pas moins le ferment de développements novateurs. Des inquiétudes fécondes apparaissent dans ses écrits : De la technique de la peinture (1905) ; Les Principes scientifiques du divisionnisme (1906) ; Peinture, art et technique (1913). Ces traités marquent une importante prise de conscience des problèmes théoriques de l'art et complètent, semble-t-il, les réalisations encore timides des Macchiaioli. L'auteur affirme la possibilité de donner des fondements scientifiques à la technique picturale, mais le peintre ne se limite pas à ses affirmations et nous voyons coexister dans ses écrits une conception scientiste avec des orientations franchement « spiritualistes ». Cette attitude se reflète aussi dans son œuvre picturale qui paraît se développer sur un double registre : formel et symboliste à la fois. Pour Previati, le but de l'art ne sera pas, en effet, la représentation objective du réel, mais la création, à partir d'une technique élaborée sur une base scientifique, d'un monde intellectuel, voire idéalisé. L'artiste semble, d'autre part, vouloir réunir en une seule démarche les acquis des symbolistes et les conquêtes des divisionnistes français.
L'originalité d'une telle position a frappé d'ailleurs Boccioni qui reste, pour une partie de son œuvre, débiteur de Previati. Pour les futuristes, à la recherche d'une expression plastique des rapports dynamiques formels, l'œuvre de Previati est essentielle. Boccioni, en particulier, reprend à son compte l'idée de la lumière « à rayonnement illimité ». Cette expérience apparaît dans deux tableaux que les futuristes admiraient tout particulièrement : Le Roi Soleil (Musée royal d'art moderne, Bruxelles) et La Création de la lumière, 1913 (Galleria nazionale d'arte moderna, Rome). Avec ces deux œuvres, Previati semblait poser déjà les problèmes d'espace et de lumière qui feront l'objet de la recherche futuriste. La lumière y semble en effet diviser l'espace selon des directions de rayonnement et ces axes lumineux vont à leur tour partager le champ visuel en zones inégales. Dans le tableau intitulé La Ville qui monte (1910), Boccioni se souvient de Previati et vise la création d'une synthèse plastique permettant d'exprimer le dynamisme des formes et la valeur de la lumière.
L'œuvre de Previati, profondément originale et en avance sur son époque, est un des témoignages les plus importants de l'influence exercée par le divisionnisme en Europe et des ferments novateurs que cette tendance recelait.
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Écrit par
- Charles SALA : professeur d'histoire de l'art à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
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