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GAÏA, TERRE VIVANTE (S. Dutreuil) Fiche de lecture

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Lorsque Sébastien Dutreuil, biologiste, géologue et philosophe des sciences, écrit Gaïa,Terre vivante. Histoire d’une nouvelle conception de la Terre (Les Empêcheurs de penser en rond, 2024),il entreprend de décrire l’histoire compliquée et foisonnante d’une hypothèse jugée irrecevable par les scientifiques, mais qui, en dépit de cela, aurait débouché sur une manière novatrice de « voir » la Terre. Cette hypothèse, à laquelle les auteurs donnent le nom de Gaïa, personnification de la Terre dans la Théogonie d’Hésiode, postule que notre planète possède les caractéristiques essentielles d’un organisme vivant. Le nom même donné à l’hypothèse signe sa situation écartelée entre science et non-science, voire néopaganisme. Évitant ces deux positions, Dutreuil propose ici une troisième voie, celle de la richesse intellectuelle que porte en elle cette représentation holistique de la Terre.

Une controverse passionnée

Au début de 1974, le journal Tellus publie l’article « Atmospheric homeostasis by and for the biosphere: the Gaia hypothesis », rédigé par James E. Lovelock et Lynn Margulis. L’article reçoit un accueil intéressé de la part des spécialistes de l’atmosphère et de ses relations avec la surface de la Terre : si tout ce qui s’y trouve exposé est connu, les auteurs déplacent le curseur vers l’importance autorégulatrice de la biosphère dans la stabilité de l’atmosphère terrestre. Les biologistes ne lisent pas Tellus et ne réagissent donc pas. Mais, en 1975, Lovelock revient sur le sujet dans le New Scientist, une revue britannique de grande diffusion. Il y affirme que la Terre est bien un super-organisme – donc vivant – capable d’autorégulation pour assurer sa survie. C’est alors une véritable levée de boucliers de la part des biologistes pour qui la Terre n’a aucune des caractéristiques d’un organisme vivant. Même refus de la part des épistémologues : l’hypothèse n’est testable d’aucune manière. Gaïa est donc disqualifiée au plan scientifique. Désormais, elle n’est plus citée que par quelques théoriciens de la biologie et surtout chez les partisans du New Age – preuve de son contenu néopaïen, dont il ne faut pas minimiser l’importance. Cependant, l’ensemble incroyablement divers de ce que pourrait inclure pareille hypothèse va entreprendre une autre vie, souterraine, innommée, en particulier au sein du monde des sciences du système Terre et de ses projections sociales et politiques. Pour Dutreuil, l’hypothèse Gaïa, bien qu’irrecevable scientifiquement et très rarement mentionnée, sous-tendrait des domaines entiers de la recherche scientifique « classique » comme la dynamique de l’atmosphère, celle des océans, les équilibres au sein de la biosphère, pour ne citer que quelques exemples.

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur