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ALIEV GAÏDAR (1923-2003)

Dernier des apparatchiks soviétiques, Gaïdar Aliev – Heydar Aliyev, en azéri – a régné sans partage sur l'Azerbaïdjan.

Appelé affectueusement « Baba », grand-père, par les Azéris, Gaïdar Aliev, de lointaine origine kurde, est né le 10 mai 1923 au Nakhitchevan, enclave azéri entre l'Arménie soviétique et la Turquie kémaliste. Après des études d'ingénieur, il entre en 1944 au N.K.V.D., l'ancêtre du K.G.B. Il gravit lentement les échelons des services de sécurité locaux durant le stalinisme. Il prend habilement les tournants khrouchtchévien puis brejnévien pour occuper la tête du K.G.B. azerbaïdjanais, avec le grade de général, en 1967.

En 1969, il commence une carrière politique en étant nommé Premier secrétaire du Parti communiste d'Azerbaïdjan, poste qu'il conserve jusqu'en 1982. Remarqué par Iouri Andropov, lui aussi un ancien du K.G.B., il entre au Politburo, le bureau politique du Parti communiste de l'Union soviétique en 1982. Il est le premier musulman à faire partie de cet organe dirigeant. Mikhaïl Gorbatchev le destitue en 1986, officiellement « pour raison de santé ». Sa femme Zarifa étant morte en 1985, Aliev souffrirait de « mélancolie ». Mais il reste vice-Premier ministre du gouvernement de l'U.R.S.S., avant d'être sèchement limogé le 23 octobre 1987 et d'entamer une courte traversée du désert. Alors que l'Europe de l'Est se décompose, il revient dans sa région d'origine, le Nakhitchevan, en 1990, devenant rapidement le président de l'Assemblée nationale et l'homme fort de cette région autonome.

Quand c'est le tour de l'U.R.S.S. d'imploser, Aliev tisse de solides liens avec la Turquie et évite d'entrer en guerre avec l'Arménie voisine qui est en conflit ouvert avec Bakou pour la province autonome arménophone du Haut-Karabagh. Les clans du Nakhitchevan, sous sa coupe, prospèrent alors grâce à toute sorte de trafics, dont celui de la drogue.

Face aux offensives militaires arméniennes, l'Azerbaïdjan perd 25 p. 100 de son territoire au profit d'Erevan. En juin 1993, ne supportant plus les défaites, les militaires azéris, largement soutenus en sous-main par les Nakhitchévanais, fomentent un putsch et destituent le président légal, le démocrate Alboulfaz Eltchibey qui doit s'enfuir en Turquie. Gaïdar Aliev, jouant les hommes providentiels, assume l'intérim de la présidence à Bakou. En octobre de la même année, il est triomphalement élu président. En 1994, il signe un cessez-le-feu avec l'Arménie et stoppe les combats.

Converti à l'économie de marché, il profite de la manne pétrolière de la mer Caspienne pour transformer ces richesses en prébendes. Les clans du Nakhitchevan règnent alors en maître dans un pays totalement corrompu où 40 p. 100 de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. À l'élection présidentielle de 1998, il est facilement réélu. Mais les ennuis de santé commencent, avec des problèmes rénaux et cardiaques en 1999 et 2000.

Au début de 2003, victime d'un grave malaise, il est hospitalisé en Turquie avant d'être transféré dans une clinique de Cleveland, dans l'Ohio. De sa retraite médicale forcée aux États-Unis, il prépare sa succession. Son fils Ilham, né en 1962, ex-play-boy et grand amateur de casinos, remporte facilement l'élection présidentielle du 15 octobre 2003 et succède à son père. Ce dernier s'éteint le 12 décembre. Des centaines de milliers d'Azéris vont suivre la dépouille du « Baba » lors de funérailles officielles, en présence de nombreux dignitaires étrangers.

— Christophe CHICLET

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Écrit par

  • : docteur en histoire du xxe siècle de l'Institut d'études politiques, Paris, journaliste, membre du comité de rédaction de la revue Confluences Méditerranée

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  • AZERBAÏDJAN

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    ...Eltchibey, dans l'impossibilité de rétablir l'ordre dans le pays, est destitué en juin 1993. Il est remplacé par l'ancien dirigeant soviétique, ancien cadre supérieur du K.G.B., Gaïdar Aliev. Ce dernier est formellement investi président avec 98,8 % des suffrages lors de l'élection d'octobre 1993.