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GALAXIES

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Les galaxies et l'Univers

Les composantes des galaxies

Brièvement, rappelons qu'une galaxie est d'abord une collection d'étoiles : d'un milliard à cent milliards selon la taille de la galaxie, correspondant à une masse d'un milliard à cent milliards de fois celle du Soleil (nous nous référerons dorénavant à la masse du Soleil par le symbole Ṃo, qui représente donc une masse de 1,989 ( 1030 kg). Ces étoiles peuvent appartenir à des populations différentes, c'est-à-dire qu'elles ont été formées à diverses époques dans la vie de la galaxie. Dans le cas de galaxies suffisamment proches pour que leurs étoiles puissent être analysées séparément les unes des autres, on peut distinguer les populations d'étoiles par leur répartition spatiale et leurs propriétés cinématiques, mais aussi par leurs couleurs. En effet, les groupes d'étoiles formées au début de la vie d'une galaxie, il y a 15 milliards d'années environ, ne nous ont laissé, du fait de l'évolution stellaire, que leurs membres les moins massifs (< 1 Ṃo), relativement froids et donc rouges. En revanche, les associations stellaires formées plus récemment, il y a quelques millions d'années, sont dominées par les étoiles les plus massives (> 10 Ṃo), chaudes et émettant une importante quantité d'énergie dans l'ultraviolet et le domaine bleu du spectre électromagnétique. Des galaxies lointaines, nous recevons un mélange du rayonnement de ces différentes populations stellaires.

Bien qu'elles représentent l'essentiel de la masse d'une galaxie, les étoiles n'en sont pas le seul constituant. On trouve également de la matière interstellaire, c'est-à-dire de la matière qui, au moment où nous l'observons, n'a pas été condensée par la gravitation à l'intérieur d'une étoile. Mais cette matière a pu l'être jadis et le sera peut-être à nouveau. La matière interstellaire comporte du gaz sous forme atomique ou moléculaire ainsi que des agrégats de molécules et de radicaux, appelés grains ou poussière. Le milieu interstellaire se structure soit en régions isolées, bien localisées, soit en régions diffuses.

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Les régions isolées sont de plusieurs sortes.

– On trouve tout d'abord des nuages moléculaires denses où l'on rencontre de 103 à 104 atomes ( cm—3. C'est dans de tels nuages que se forment les étoiles. La quantité de poussière dans ces nuages est très élevée ; les photons y pénètrent donc peu : c'est un milieu froid où la température est de quelques kelvins et le gaz s'y trouve sous forme moléculaire (H2, OH, CO, H2O...). Des molécules organiques complexes ont été identifiées dans ces nuages. La mise en évidence de ces régions se fait par l'observation des transitions entre niveaux de rotation et vibration des molécules, donc dans les domaines de longueur d'onde infrarouge, millimétrique et radio. Pour ces intervalles du spectre électromagnétique, les récepteurs dont on dispose sont de plus en plus sensibles. L'analyse du contenu moléculaire des galaxies, jadis réservée aux objets proches, est aujourd'hui possible dans des objets distants. Ainsi pouvons-nous espérer être renseignés sur les phases de formation stellaire intensive qui ont dû se produire dans les premiers âges des galaxies.

– On trouve ensuite des régions chaudes où l' hydrogène est ionisé ; ces régions sont encore appelées régions H II. En effet, dans les zones de formation stellaire récente, la matière interstellaire est chauffée par le rayonnement des étoiles chaudes (étoiles de type spectral O et B, dont la température effective est de 35 000 à 50 000 K). La densité dans les régions H II varie de 1 à 104 atomes . cm—3 alors que la température du gaz d'électrons est d'environ 104 kelvins. À ces températures, les poussières et molécules ont été détruites ou ne subsistent que dans des zones protégées du rayonnement ultraviolet des étoiles. Une région H II représente l'état d'évolution d'un nuage moléculaire quelques millions d'années après que les étoiles s'y sont formées. Les régions H II peuvent être détectées par le rayonnement continu des ions H+, surtout dans le domaine des ondes radio. On les détecte également par les raies de recombinaison des ions H+, He+ et He++, dont certaines se trouvent dans la fenêtre « visible » du rayonnement électromagnétique et sont donc bien connues (raies de Balmer Hα à 656,2 nm et Hβ à 486,1 nm, raie de l'hélium He II à 468,6 nm), par les raies interdites d'éléments lourds ionisés tels que O++, O+, N+, S+... Certaines régions H II, encore enfouies dans le complexe de nuages moléculaires qui leur a donné naissance, ne sont pas détectables par les méthodes utilisant les raies spectrales en émission, car une trop grande quantité de poussière nous les masque. On les observe alors par leur rayonnement radio ou dans l'infrarouge lointain. Les régions H II constituent une source d'information très précieuse pour l'étude des galaxies extérieures. Les plus brillantes d'entre elles, appelées régions H II géantes, peuvent être détectées dans des galaxies très éloignées et servent comme critère de distance, étant donné la constance de leur luminosité intrinsèque. Par ailleurs, l'étude des conditions physiques qui règnent dans les régions H II est bien développée et permet de comprendre l'évolution des galaxies. Enfin, les régions H II sont des traceurs de formation stellaire, indiquant à la fois la présence de gaz et d'un mécanisme qui a été capable d'initialiser la fragmentation de ce gaz en proto-étoiles.

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– Il existe enfin des restes de supernovae, étoiles massives dont le cœur a implosé au cours de leur évolution. Les couches extérieures de l'étoile rebondissent alors sur ce cœur de matière ultradense (étoile à neutrons) et sont expulsées dans l'espace interstellaire. La matière ainsi rejetée est enrichie de tous les éléments lourds synthétisés au centre de l'étoile et va contribuer à l'évolution de la composition chimique d'une galaxie. On ne peut détecter les restes de supernovae que dans les galaxies les plus proches telles que les Grand et Petit Nuages de Magellan, M31, M33...

Les régions diffuses reconnues sont essentiellement :

– Des nuages diffus d'hydrogène neutre. Dans ces régions, il n'y a pas d'étoiles chaudes : la matière n'est pas chauffée, le gaz reste sous forme atomique, non ionisé, d'où leur nom de régions H I. La densité y est de 1 atome ( cm—3 et la température de 50 à 150 kelvins. Le diagnostic de ces régions H I est la raie à 21 centimètres de l'hydrogène. La masse typique des nuages d'hydrogène neutre et des nuages moléculaires est de 105 à 106 Ṃo. Pour notre Galaxie, la masse totale de gaz sous forme H I est de l'ordre de 109 à 1010 Ṃo, comparable à celle qui est rencontrée sous forme moléculaire H2. L'étude du contenu H I des galaxies extérieures a fait de réels progrès : en particulier, la distribution de l'hydrogène atomique dans différents types d'objets a révélé l'existence, dans les galaxies spirales, de disques d'hydrogène neutre s'étendant bien au-delà du disque qui contient les étoiles et régions H II visibles sur une photographie classique. Ce disque H I est parfois déformé par les interactions gravitionnelles entre galaxies.

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– Il existe un milieu dit internuages, où la densité est faible, de 0,05 à 0,2 atome ( cm—3, et où la température avoisine 6 000 kelvins. La matière s'y trouve principalement sous forme neutre.

– Enfin, on peut rencontrer, à proximité des étoiles très chaudes (restes de supernovae, par exemple), un gaz coronal dilué et chaud où la température peut atteindre 2 ( 105 à 106 kelvins. Les atomes y sont fortement ionisés, O5+ par exemple. On peut donc déceler la présence de ces régions grâce à des raies d'absorption fines de O VI dans l'ultraviolet, lorsqu'elles se silhouettent devant des étoiles chaudes.

Ces diverses composantes du milieu interstellaire sont globalement en équilibre de pression les unes avec les autres, échangeant matière et énergie par l'intermédiaire du cycle de la formation et de l'évolution des étoiles qu'elles abritent.

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Enfin, mentionnons pour mémoire la présence de particules chargées, de haute énergie, qui voyagent dans l'espace galactique et intergalactique : les rayons cosmiques. Les rayons cosmiques pourraient s'échapper d'une galaxie très rapidement, en quelque cent mille ans, si rien ne les confinait. En fait, on sait qu'ils restent environ 10 millions d'années dans le disque galactique et qu'ils sont conservés ainsi par l'effet d'un champ magnétique B dont la valeur est en moyenne de 3 ( 10—10 tesla (cf. rayonnement cosmique).

Intérêt de l'étude des galaxies

Notre situation d'observateur à l'intérieur d'une galaxie nous permet bien sûr de pouvoir analyser finement ses divers constituants, étoiles, gaz, poussière, particules, champ magnétique (cf. la galaxie). Cependant, nous n'en avons qu'une vue limitée car les poussières concentrées dans le disque galactique nous empêchent de recevoir les photons provenant de régions éloignées du Soleil ; seules les ondes radio, millimétrique et infrarouge lointain ne sont pas ou peu atténuées, mais ces domaines du spectre électromagnétique ne véhiculent qu'une partie de l'information nécessaire à la compréhension du phénomène galaxie. Un moyen de tourner cette difficulté est d'observer dans des directions voisines de la perpendiculaire au plan galactique, car on ne traverse alors que peu de poussières : c'est ainsi que l'on a découvert les galaxies extérieures et exploré le monde des galaxies.

Fréquence et propriétés principales des galaxies - crédits : Encyclopædia Universalis France

Fréquence et propriétés principales des galaxies

L'étude des galaxies peut être menée à deux niveaux ; d'une part, on effectue l'analyse des phénomènes à grande échelle qui s'y déroulent : répartition et propriétés cinématiques des étoiles, du gaz et des poussières, composition chimique de la matière en divers points de la galaxie, étude des régions centrales et des noyaux de galaxies, phénomènes particuliers aux objets émettant une très grande quantité d'énergie tels que les quasars et noyaux actifs de galaxies... Ces diverses données permettent d'accéder à l'évolution temporelle d'une galaxie. D'autre part, on peut adopter une approche a priori plus taxinomique. On a, très vite après leur découverte, classé les galaxies selon leur aspect morphologique : elliptiques, lenticulaires, spirales et irrégulières. Cette première classification a également conduit à mettre en place une description quantitative des propriétés des galaxies telles que leur masse, leur moment angulaire – deux paramètres qui semblent fondamentaux dans l'évolution galactique –, leur degré d'aplatissement, l'importance relative de leur système de bras spiraux et de leur bulbe central, et toute une variété d'autres paramètres selon les différentes classifications.

On a, par la suite, analysé la répartition des galaxies dans l'espace : l'Univers observable contient à peu près autant de galaxies qu'une galaxie contient d'étoiles, quelques dizaines de milliards ! Sans aller jusqu'à observer toutes ces galaxies, on s'aperçoit très vite que les galaxies apparaissent généralement en groupes. Notre Galaxie, par exemple, appartient au Groupe local, qui comporte une vingtaine de galaxies, galaxies spirales et irrégulières et galaxies naines de plus petite masse, liées par la gravitation (cf. supra, Dénombrement des galaxies). On ignore si le groupe a été constitué ainsi au moment de la naissance des galaxies qui le composent, il y a 15 milliards d'années environ, ou bien si certaines d'entre elles ont été capturées ultérieurement lors du passage, près du Groupe local, de galaxies isolées ou d'autres groupes de galaxies. En effet, le rapport diamètre moyen d'une galaxie/distance moyenne entre deux galaxies est de l'ordre de 0,1 dans un groupe de galaxies et de 0,01 pour les galaxies isolées, beaucoup plus grand que ce même rapport pour des étoiles dans une même galaxie. On peut donc s'attendre à une forte probabilité de collisions et d'interactions proches entre les galaxies. On observe que le disque de gaz neutre de notre Galaxie est déformé au-delà de 10 kiloparsecs : on pense que c'est là le résultat de l'attraction gravitationnelle par le Grand Nuage de Magellan au cours de son dernier passage en ce point de son orbite autour de la Galaxie, pour lequel il est le plus proche du centre de notre Galaxie (de 30 à 40 kpc). Entre le Grand Nuage de Magellan et la Galaxie, on observe également la présence de nuages de gaz H I, d'amas globulaires d'étoiles et de galaxies naines, ensemble que l'on appelle le Courant magellanique et dont on pense qu'il est constitué de débris abandonnés au cours des interactions successives entre la Galaxie et le Grand Nuage dans leur mouvement orbital mutuel.

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Les groupes de galaxies, qui comportent quelques dizaines de membres, sont eux-mêmes réunis en amas de galaxies qui peuvent compter jusqu'à plusieurs milliers d'objets et correspondre à des diamètres atteignant plusieurs mégaparsecs. Les amas eux-mêmes sont regroupés en superamas dont les diamètres sont de l'ordre de 100 mégaparsecs. L'étude des amas de galaxies a soulevé un problème fort intéressant, non encore résolu. C'est le problème de la masse manquante. En effet, si les amas de galaxies sont des systèmes liés par la gravitation, alors, l'attraction gravitationnelle de toutes les galaxies de l'amas doit être suffisamment grande pour empêcher chaque galaxie individuelle de s'échapper de l'amas. On connaît, par les observations, les vitesses d'agitation des galaxies dans les amas et on peut en déduire approximativement quelle doit être la masse totale de l'amas pour qu'il ne se désagrège pas. Pour de nombreux amas, cette masse totale est environ dix fois plus grande que la somme des masses des galaxies individuelles, telles qu'on les détermine par les méthodes classiques. Les observations en rayonnement X ont montré que les galaxies d'un amas baignent dans un gaz chaud très dilué, porté à plusieurs dizaines de millions de degrés. La masse de cette matière intergalactique est cependant insuffisante pour combler l'écart d'un facteur dix qui existe entre masse dynamique et masse visible des amas de galaxies. D'où l'idée que les galaxies, les amas et l'Univers contiennent une grande quantité de matière qui n'est pas sous forme visible. On parle parfois de masse cachée. Ces différents axes de recherche ouvrent tout naturellement la porte à l'étude de la formation des galaxies et du début de l'Univers.

Oublions pour un instant nos échelles humaines de temps et d'espace, mettons-nous au rythme cosmique. Ce qui nous paraît statique et immuable, en fait, naît, se transforme et peut être réutilisé pour former un autre système. Dans l'Univers, tout est en mouvement et en évolution permanente. Depuis le début des années 1970, la recherche extragalactique a accompli de gigantesques progrès dans la compréhension dynamique des phénomènes : nous avons dépassé le stade de la photographie instantanée de l'Univers pour accéder à des fragments de film.

— Danielle ALLOIN

L'évolution des galaxies

La formation et l'évolution des galaxies demeurent de grandes énigmes de la cosmologie moderne. Depuis la classification des galaxies proposée par l'astronome américain Edwin P. Hubble en 1927, de nombreux progrès ont évidemment été accomplis, en particulier avec l'avènement des très grands télescopes au sol et dans l'espace. Quel est l'état de nos connaissances sur ces questions fondamentales ?

Notre environnement immédiat est dominé par notre Galaxie – la Voie lactée – et par la grande galaxie d'Andromède Messier 31 (M31), située à près de 2,5 millions d'années-lumière de la nôtre. Ces deux galaxies sont de grandes spirales, à l'instar de la majorité des grandes galaxies de l'Univers local. La Voie lactée nous apparaît comme un disque vu par la tranche pour la simple raison que nous faisons partie de cet immense ensemble de près de 50 000 années-lumière de diamètre. Par le passé, la Voie lactée et M31 ont souvent été considérées comme des galaxies jumelles. Aujourd'hui, nous savons que la Voie lactée a connu peu d'interactions avec d'autres galaxies importantes, tandis que les observations profondes du halo de M31 révèlent un passé très tumultueux, riche en collisions (le halo est un ensemble à symétrie à peu près sphérique autour du disque).

La formation séculaire des grandes galaxies spirales

Exemple de formation initiale du moment angulaire d'une galaxie primordiale - crédits : Encyclopædia Universalis France

Exemple de formation initiale du moment angulaire d'une galaxie primordiale

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La cosmologie moderne suppose que les galaxies se sont formées par coalescences successives de galaxies de plus petites tailles, selon un processus dit hiérarchique. Cependant, les disques des galaxies spirales sont très facilement détruits par les collisions entre galaxies. Comment alors se fait-il que 72 p. 100 des grandes galaxies soient dominés par leurs disques ? Dès les années 1960, les théoriciens se sont accordés à penser que les disques s'étaient formés au tout début de l'histoire de l'Univers : le support dynamique des disques est lié à leurs moments angulaires (figure) ; aux premières époques de l'Univers, celui-ci était beaucoup plus dense et les effets de marée entre galaxies devaient être considérables, induisant des couples de forces sur les premières galaxies, et produisant ainsi leurs moments angulaires. Par la suite, ces galaxies dominées par leurs disques sont supposées évoluer de façon graduelle, dite séculaire, avec un minimum d'interactions, ce qui sauvegarde leur structure spirale. De nombreux théoriciens continuent à penser que ce scénario explique bien la formation des grands disques, comme celui de notre Galaxie ou de M31. Cependant, celui-ci prédit des disques galactiques bien plus petits que ceux qui sont observés : en d'autres termes, ces effets ne prédisent pas assez de moment angulaire. De fait, les progrès de la cosmologie observationnelle pourraient remettre en cause tout ou partie de ce scénario séculaire.

Les télescopes géants permettent aujourd'hui d'étudier les galaxies les plus lointaines, qui étaient inaccessibles à l'observation dans les années 1960. Les astronomes peuvent maintenant étudier la morphologie, la chimie et la dynamique de galaxies ayant émis leur lumière il y a plusieurs milliards d'années. Le principe cosmologique présuppose que nous n'occupons pas une position particulière dans l'Univers. Par conséquent, les galaxies qui ont émis leur lumière il y a 6 milliards d'années doivent être semblables aux ancêtres des galaxies de l'Univers local, c'est-à-dire être telles que celles-ci étaient il y a 6 milliards d'années. Le choix de 6 milliards d'années dans le passé n'est pas fortuit : il est lié aux limites actuelles des moyens d'observation. En effet, si on est capable de détecter des galaxies ayant émis leur lumière il y a 10 ou 11 milliards d'années, il est difficile d'en déduire avec précision leurs caractéristiques physiques, telles que la masse des différentes composantes, la forme ou le diamètre, le stade de formation stellaire... La raison principale est l'effet dit d'atténuation cosmologique (cosmological dimming en anglais), qui affecte considérablement la brillance de surface des galaxies lointaines. Cet effet est lié à la géométrie de l'Univers relativiste, qui suit les modèles dit de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker : à la différence du modèle classique – newtonien –, la relativité générale prédit que la distance d'une source qui est mesurée par l'intermédiaire de son éclat lumineux est systématiquement supérieure à celle qui peut être déduite de sa taille intrinsèque ; cet effet devient considérable pour les sources lointaines, d'où un affaiblissement considérable de ces sources. Il faudrait par exemple 200 heures de pose avec le télescope spatial Hubble pour pouvoir observer les disques optiques des galaxies lointaines situées à 8 milliards d'années-lumière. Avec les moyens actuels, il est cependant possible d'étudier l'évolution des galaxies depuis 6 milliards d'années, ce qui correspond à près de la moitié de l'âge de l'Univers, estimé à 13,7 milliards d'années.

Les ancêtres des galaxies spirales

Jusqu'au début des années 1990, les observations des galaxies lointaines étaient peu nombreuses. Puis les travaux du Canada-France Redshift Survey et du Team Keck Treasury Redshift Survey ont fourni des échantillons de galaxies de plus en plus lointaines, permettant d'étudier en détail le passé des galaxies actuelles. Ces travaux ont montré que les galaxies transformaient beaucoup plus de gaz en étoiles dans le passé qu'aujourd'hui. Cependant, une galaxie est une structure vaste et complexe, et cette complexité s'accroît pour les galaxies en formation. Les méthodes d'analyse d'échantillons de tels objets complexes deviennent cruciales, et on ne compte plus les erreurs successives d'interprétation. Les progrès les plus marquants viennent de la comparaison des galaxies actuelles à leurs ancêtres, selon le principe cosmologique, c'est-à-dire à des galaxies lointaines soigneusement sélectionnées. Les méthodes sont compliquées, et doivent s'évertuer à éliminer tous les effets indésirables, aussi bien observationnels que théoriques, qui pourraient fausser les relations entre les galaxies à différentes époques.

Classification des galaxies locales selon la méthode morphologique de Hubble - crédits : R. Delgado-Serrano et F. Hammer/ Observatoire de Paris, Sloan Digital Sky Survey, NASA/ ESA

Classification des galaxies locales selon la méthode morphologique de Hubble

Les galaxies actuelles – dite locales – peuvent être classées en différents groupes, selon leur morphologie et leur dynamique interne. Les étoiles des galaxies elliptiques suivent des trajectoires aléatoires inscrites dans un ellipsoïde. Viennent ensuite les galaxies spirales, qui sont dominées par la rotation des étoiles s'inscrivant dans un disque ; ces dernières possèdent en leur centre un bulbe dont les caractéristiques sont proches de celles d'une petite galaxie elliptique. Objets intermédiaires, les galaxies lenticulaires possèdent un disque visible mais sont dominées par leur bulbe central. La séquence qui est présentée dans la figure composite intitulée „Galaxies locales“ est très similaire à celle qui a été établie par Edwin P. Hubble en 1927.

Classification des ancêtres des galaxies - crédits : R. Delgado-Serrano et F. Hammer/ Observatoire de Paris, Sloan Digital Sky Survey, NASA/ ESA

Classification des ancêtres des galaxies

Les ancêtres de ces galaxies il y a 6 milliards d'années sont présentés dans la figure composite intitulée „Galaxies distantes“. La différence avec la séquence „locale“ est frappante : dans le passé, il n'y avait que 31 p. 100 de galaxies spirales, et une majorité de galaxies dites particulières (peculiar, en anglais). Il faut toutefois noter que la proportion de galaxies elliptiques et lenticulaires n'a pratiquement pas changé. Les échantillons originaux sont suffisamment importants (plusieurs centaines d'objets sélectionnés dans des catalogues de plusieurs dizaines de milliers de galaxies) pour éviter toute erreur d'interprétation d'origine statistique. On en déduit que plus de la moitié des galaxies spirales actuelles avaient, il y a 6 milliards d'années, des ancêtres aux formes particulières.

Quelle est la nature de ces galaxies particulières ? L'utilisation des meilleurs spectrographes du Very Large Telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO) a permis de montrer que la dynamique interne de ces étranges objets était aussi très particulière, souvent chaotique, et bien différente de la rotation des galaxies spirales. C'est précisément ce qu'on attend de galaxies durant différents épisodes d'une importante collision entre deux objets de masses comparables, à un facteur 3 ou 4 près. De fait, la plupart des galaxies particulières ont pu être reproduites à l'aide des modèles de fusion entre galaxies provenant des simulations numériques les plus performantes. La plupart des galaxies spirales se sont donc formées à partir de la collision entre deux galaxies, contrairement à ce qu'affirme le scénario dit séculaire.

La formation des galaxies via le processus hiérarchique

Le scénario dans lequel les galaxies spirales se forment systématiquement après une collision majeure est encore très discuté. Les galaxies et leurs ancêtres sont des systèmes tellement complexes qu'il est difficile d'écarter définitivement les alternatives. Par exemple, les galaxies les plus lointaines, celles qui ont émis leur lumière il y a de 9 à 10 milliards d'années, sont parfois associées à l'accrétion de gaz en provenance des régions environnantes. Cependant, cette alternative est peu compatible avec la dynamique interne complexe de ces sources, qui sont malheureusement trop éloignées pour être étudiées avec une précision suffisante.

La compréhension de la formation des galaxies progresse très rapidement. Nous savons déjà que les galaxies elliptiques peuvent être le résidu de la collision entre deux galaxies ayant initialement un très faible contenu en gaz. Nous savons aussi de plus en plus précisément que les contenus gazeux des ancêtres des galaxies actuelles étaient considérablement plus élevés, jusqu'à représenter la majorité de leur contenu en matière baryonique – celle-ci constituant l'ensemble de la matière (gaz, étoiles, poussière...) formée d'atomes, d'ions ou de molécules, par opposition à la matière invisible, dont la nature demeure inconnue. Le comportement de ce gaz durant les collisions est celui d'un fluide hydrodynamique : il est très différent de celui des étoiles, dont la majorité ont tendance à „tomber“ vers le centre de masse, et forment donc un bulbe après la collision. Sous certaines conditions, ce gaz va conserver une grande partie du moment angulaire injecté par la collision et former un nouveau disque, qui deviendra, une fois que ce gaz sera transformé en étoiles, semblable aux grands disques galactiques que nous connaissons. Si le scénario qui est décrit ci-dessus s'avère bien être à l'origine de la formation de toutes les galaxies, elliptiques ou spirales, il s'agit d'une vérification importante du processus hiérarchique, donc de la cosmologie moderne. La réponse définitive viendra des observations les plus profondes des halos des galaxies proches ainsi que des études des galaxies les plus lointaines avec les futurs télescopes ultra-géants, comme l'Extremely Large Telescope de l'ESO.

— François HAMMER

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Galaxie M104 - crédits : NASA/ JPL & The Hubble Heritage Team/ STScI/ AURA)

Galaxie M104

Séquence de Hubble - crédits : Encyclopædia Universalis France

Séquence de Hubble

Galaxie spirale M81 - crédits : NASA/ JPL/ K. Gordon, Univ. of Arizona & S. Willner, Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics

Galaxie spirale M81

Autres références

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    • 5 médias
    ...présentés lors d'une conférence à la fin de 2012, couvrent l'astrochimie, la formation des étoiles et leur évolution, la formation des exoplanètes, la formation des galaxies et l'observation, parmi celles-ci, des plus lointaines (décalage spectral ≈ 7) [le décalage spectral permet de connaître...
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